Le marché réglementé du carbone a fait couler beaucoup d’encre depuis la décision récente du gouvernement ontarien de se retirer du marché commun, nous analysons tous les modes de tarification du carbone au pays pour clarifier les systèmes mis en place pour lutter contre le gaz à effet de serre.
Le marché réglementé du carbone (cap and trade) a fait couler beaucoup d’encre depuis la décision récente du gouvernement ontarien de se retirer du marché commun, appelé le Western Climate Initiative (WCI), dont font aussi partie le Québec et la Californie (REF). À titre de rappel, le nouveau premier ministre Doug Ford a annoncé au début du mois de juillet que l’Ontario se retirerait du marché commun du carbone, et ce moins d’un an après que la province y soit entrée (REF). Cependant le dossier est loin d’être fermé puisque que le gouvernement ontarien doit toujours changer sa loi et que les experts du secteur s’attendent à des contestations de la part d’entreprises ayant déjà acheté pour plus de 2 milliards de dollars de droits d’émissions (REF). Cet événement nous rappelle que la tarification du carbone est un sujet revenant de manière récurrente dans l’actualité, mais dont les mécanismes peuvent sembler complexes.
Pourquoi les gouvernements cherchent-ils à tarifer le carbone?
L’objectif de la tarification carbone est de faire refléter dans les activités économiques le coût social et environnemental de la pollution atmosphérique (hausse globale des températures, augmentation des phénomènes météo extrêmes, modification des écosystèmes, problèmes de santé, etc.) (REF)
Quelques méthodes de tarification du carbone ont déjà été mise en place dans certaines provinces canadiennes :
-SPEDE du Québec
Le Système de plafonnement et d’échange de droits d’émission de gaz à effet de serre (SPEDE) est le système de tarification réglementé du carbone en fonction au Québec. Dans ce mécanisme de tarification, les industries classées comme grandes émettrices de gaz à effets de serre (GES) car elles dépassent le seuil de 25 000 t d’émissions de GES par année (comme les raffineries, les alumineries ou les cimenteries) se voient accordées un quota de droits d’émissions annuelles. Les entreprises assujetties au SPEDE n’arrivant pas à respecter leurs quotas d’émissions peuvent acheter des droits inutilisés à travers des enchères organisées par le gouvernement. En combinaison avec un prix-plancher, le nombre de droits d’émissions annuel diminuera au fil des années, faisant théoriquement augmenter progressivement leur prix sur le marché. Les entreprises assujetties ont ainsi un incitatif à investir dans la réduction de leurs émissions de GES. Depuis le 1er janvier 2015, les distributeurs d’énergie fossiles sont également assujettis au SPEDE et ceux-ci ont tous transféré leurs coûts de participation du SPEDE à leur clientèle. Au Québec, l’argent amassé par la vente de droits d’émissions est utilisé pour des projets variés puisque celui-ci est attribué au Fonds vert du Québec, un fond dédié au financement du Plan d’action 2013‑2020 sur les changements climatiques (REF). La Californie possède un système similaire et c’est pourquoi les deux juridictions se sont jointes en 2014 afin de créer un marché commun; le Western Climate Initiative (WCI). Celui-ci permet aux entreprises assujetties (REF) d’acheter des droits d’émissions en provenance des deux systèmes. L’Ontario a aussi brièvement instauré un système de plafonnement et d’échange ayant débuté le 1er janvier 2018 et ayant pris fin le 3 juillet 2018 suite à un changement de gouvernement.
– Taxe carbone de la Colombie-Britannique
Depuis 2008, la Colombie-Britannique impose une taxe carbone actuellement fixée à 35$ la tonne (REF). Cette taxe est chargée sur les énergies fossiles, tels que les produits pétroliers (essence, diesel, etc.) Ce système se veut fiscalement neutre en utilisant l’argent prélevé par la taxe carbone pour réduire l’impôt provincial des individus et entreprises ainsi que financer des projets de réductions des émissions dans les prochaines années (REF)
– Taxe carbone de l’Alberta
Cette province a adopté depuis 2017 une taxe carbone fixée aujourd’hui à 30$ par tonne et qui devrait atteindre 50$ en 2022. Comme en Colombie-Britannique, celle-ci s’applique sur les énergies fossiles (diesel, gaz naturel, etc.) L’argent amassé par la province sera réutilisé de diverses façons, dont la principale est une ristourne aux individus et ménages à plus faibles revenus selon les standards de cette province. L’argent servira aussi à financer des projets de transition énergétique et de nouvelles infrastructures vertes. Les PME ont aussi droit à une réduction de leurs impôts pour compenser les coûts engendrés par la mesure. (REF)
– Tarification fédérale à venir
Suite à l’adoption d’un Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques (auquel ont adhéré toutes les provinces et territoires à l’exception de la Saskatchewan), le gouvernement fédéral canadien a annoncé en 2016 qu’il prévoyait imposer un système de tarification sur le carbone aux provinces qui n’en ont pas adopté jusqu’à maintenant. Cette approche combinerait à la fois un prélèvement sur les combustibles fossiles et un système de captation et d’échanges pour les industries à fortes émissions de GES (REF).
Le retrait de l’Ontario du marché du carbone est surprenant dans le contexte où, suite à l’Accord de Paris, de plus en plus de gouvernements instaurent des modèles de tarification du carbone (cap and trade, taxes sur les véhicules polluants, taxe sur les énergies fossiles, etc.). D’un point de vue financier, le retrait de l’Ontario ne semble avoir touché que peu d’entreprises assujetties à son marché, la majorité des coûts de participation ayant déjà été transférés aux consommateurs d’énergie fossile (REF)
Cependant, il demeure important de perfectionner et d’ajuster les mécanismes déjà mis en place afin d’assurer leur efficacité. Par ailleurs, tant sur le marché réglementé que le marché volontaire (sur lequel Solutions Will est actif), la question de la juste tarification permettant d’inciter à un réel changement comportemental dans la production ainsi que la consommation des biens et services demeure un sujet de débat important (REF). Il faut garder en tête que cette tarification vise non seulement à influencer les choix des acteurs économiques, mais sert aussi dans plusieurs modèles de levier de financement de la transition énergétique. Ce financement peut prendre une grande diversité de forme, comme des subventions sur les produits écoresponsables, le financement de la recherche pour de nouvelles technologies et procédés et l’investissement dans des infrastructures pour une économie sobre en carbone. Il s’agit donc d’agir à la fois sur la demande (changement comportemental des individus et des entreprises) et l’offre (réduction de l’empreinte environnementale des biens et services).
Même si les crédits de carbone de Communauté Durable ne relèvent que du marché volontaire, qui est indépendant du SPEDE et des autres mécanismes juridiques, ceux-ci font aussi partie de la panoplie d’outils pour une tarification du carbone. C’est pourquoi il est important pour nous chez Solutions Will de suivre et commenter l’actualité en matière de politiques du carbone et d’actions envers les changements climatiques. Nous croyons qu’il est essentiel d’informer et engager tous et chacun afin de mettre en œuvre les solutions au défi climatique.
Rédigée par Claudie Eustache