Depuis le printemps 2019, nous constatons une 4ième vague de demande de crédit carbone. C’est-à-dire des réductions de GES qui ont été qualifiées, quantifiées et vérifiées, par une tierce partie, permettant leur conversion en crédit de carbone. Cette demande est supportée par différentes initiatives. Ainsi, lors de la COP 25 tenue en fin novembre à Madrid, plus des 500 [1] entreprises certifiées B Corp se sont engagées à être carboneutres d’ici 2030. Il en est de même pour l’initiative the Science Based Target [2].
Le Québec partage ce renouveau d’intérêt à tel point que plusieurs médias en discutent de plus en plus abondamment. En ce qui concerne les quantités de crédits de carbone disponibles sur le marché volontaire, c’est le programme Verified Carbon Standard [3] (VCS) – dont la crédibilité est établie sur le marché mondial – qui ouvre la parade avec 80 millions de tonnes de crédits de carbone certifiés durant l’année 2019 [4]. Cela constitue une augmentation de 400% par rapport au creux de l’année 2016. Pour l’année 2020, la projection est située à plus de 100 millions. Cette hausse de demande pour ces titres climatiques semble annoncer un début de vague.
Graphique de VCS
Réf VERRA (2020). Will 2020 bring 2020 vision for our forests and the future?
Depuis le début de cette 4ième vague on entend beaucoup les termes de « devenir carboneutre » et de « chemin ou route vers la carboneutralité ». Qu’en est-il au juste? L’Office de la langue française du Québec définit carboneutre comme « ce qui vise à réduire les émissions de gaz à effets de serres dans l’atmosphère ou à compenser les émissions de GES qui n’ont pu être réduites, en posant des actions écologiquement responsables ». Carbone neutre serait donc le fait de compenser entièrement son empreinte carbone [5] (EC), qui a été préalablement mesurée tandis que la route vers la carboneutralité serait le chemin pour y arriver avec une cible temporelle, par exemple de l’atteindre d’ici 2020, d’ici 2030 ou d’ici 2040.
Cette démarche est valable tant pour les individus, les corporations, les organisations, et les municipalités que pour tous les paliers de gouvernement. Cette action constitue un complément aux différents mécanismes réglementés qui fixent un prix sur le carbone et qui est repris dans le préambule de l’accord de Paris [6]. Ce chemin de carboneutralité se décline annuellement en trois actions :
Mesurer : en tout premier lieu il y a la mesure de son empreinte carbone qui inclue la détermination du périmètre de calcul des émissions de GES. L’empreinte carbone est un portrait sommaire des principales sources d’émissions de carbone de l’entreprise ou du consommateur pour la période comprise entre le 1er janvier et le 31 décembre. Les émissions de GES sont divisées en quatre catégories/sources, soit (1) l’énergie, (2) les déchets, (3) le processus de production et (4) le transport qui se retrouvent dans les scopes 1, 2 et 3, selon les principes de la norme ISO 14 064 partie 1 :2018 [7]
Réduire : c’est-à-dire l’implantation d’actions et de mesures écoresponsables, tel qu’un changement de comportement du consommateur ou de l’acquisition et l’utilisation de technologies propres permettant de réduire les émissions de GES. Tout geste ayant un impact, alors tout changement conscient peut induire une augmentation ou une diminution de l’empreinte carbone.
Compenser : le résiduel des émissions de GES qui n’ont pu être réduites est complété par l’acquisition de crédits de carbone égale au solde résiduel de l’empreinte carbone. Certaines personnes utilisent le terme contribuer en lieu de compenser. Leur argument est à l’effet qu’il est impossible d’obtenir une empreinte carbone nulle car, comme disait Newton, action = réaction et que tout geste a un impact. Ainsi acheter des crédits de carbone c’est reconnaître ses limites individuelles et c’est également participer et encourager les efforts réalisés par d’autres. C’est un incitatif supplémentaire, un co-financement, à toutes mesures gouvernementales accélérant la transition et le changement.
À titre d’exemple, Will est carboneutre depuis l’année 2007 [8] et a rejoint, en janvier 2020, le mouvement de carboneutralité des entreprises certifiées B Corp [9]. Depuis l’année 2008, c’est-à-dire depuis le début de la phase conceptuelle de Communauté Durable (CD) [10], nous calculons annuellement notre Empreinte Carbone. Ce que nous ne pouvons pas réduire, nous contribuons aux efforts climatiques réalisés par d’autres en achetant des crédits de carbone de notre projet Communauté Durable. En 2018, nous avons mis en place un plan de Développement Durable (DD) pour impulser d’autres mesures de réductions de nos GES.
Graphique de WILL
On peut observer sur ce tableau une tendance à la baisse de l’intensité des émissions totales annuelles de WILL depuis les débuts de l’initiative Communauté Durable. Cependant, celles-ci demeurent dépendantes des cycles de projet, puisque les périodes d’audit et le recrutement de nouvelles cohortes nécessitent de nombreux déplacements en voiture à travers diverses régions du Québec. Le transport est de loin la plus grande source de GES chez WILL.
Les prochaines chroniques bimestrielles de 2020 porteront sur les thèmes suivants :
1. Greta vs Davos : La séquestration et la réduction d’émissions de GES une combinaison simultanée de séquestration et de réductions d’émissions de GES est indispensable.
2. Le marché volontaire dans la décade 2020; un incitatif additionnel avec un grand potentiel d’une large bande participative.
3. Le programme VCS rapatriera, en avril 2020, le registre de ses crédits de carbone certifiés. Will complémentera avec la mise en ligne de son propre registre
4. Les éco-gestes individuels; leur portée, leurs limites. Ils sont indispensables comme moteur actant sur la Demande
5. Les junk offsets…où comment discerner la qualité des crédits de carbone
6. ITMO : International Trading Mitigation Outcome; les enjeux du double comptage en lien avec les inventaires nationaux d’émissions de GES
7. Agir local; réduire localement → acheter local!
8. La COP26; les prémisses d’un changement top down de haut fers le bas?
Martin Clermont
Fondateur et président
Auteur de l’article