Le point sur les mécanismes de soutien aux solutions basées sur la nature au Canada a fait l’objet d’une conférence virtuelle qui s’est tenue le 15 octobre 2020. Cette conférence, appelée Scaling Canada’s Nature-Based Solutions : Who, How and What’sNext, a été conjointement organisée par Globe Series et Corporate Knights.

L’évènement, qui a rassemblé près 400 participants, était le premier du genre et l’un des plus importants en cette période de pandémie due au Covid 19. Selon l’un des co-animateurs et hôtes, il visait à rassembler les leaders d’opinion de tout le pays afin d’identifier les opportunités de percées industrielles et naturelles qui permettraient de réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) tout en attirant des investissements et en créant des emplois, ce que nous appelons le renforcement de la résilience au changement climatique. Cette conférence était parrainée par la multinationale SHELL, avec l’honorable Jonathan Wilkinson, ministre canadien de l’Environnement et du Changement Climatique comme invité spécial.

L’ouverture de la session de réflexion proprement dite a été ponctuée par le discours du ministre, suivi par l’intervention des panélistes, qui ont salué et honoré à tour de rôle les peuples autochtones au début de leur intervention.

Petit encas d’entrée de jeu : Enquête auprès des participants sur l’importance des NBS

Le début et la fin de la conférence ont été marqués par une enquête auprès des participants sur le degré d’importance du rôle joué par les Nature-Based Solutions (NBS), dites solutions fondées sur la nature, dans la réalisation des objectifs de l’action climatique. Dans les deux cas, la réponse des 2/3 des participants a été « extrêmement important ».

Diversité des intervenants et les différents axes de la conférence

Les intervenants étaient quatre invités venant d’horizon divers (Industrie, ONG, Municipalités, et représentant de Premières Nations) et le ministre. Leurs contributions respectives ont porté, d’une part, sur leur compréhension et leur définition du sujet de la conférence (« qui », « comment » et « quelle est la prochaine étape » dans les NBS) et, d’autre part, sur les questions des participants adressées aux quatre panélistes. Ces questions ont porté sur : la justification de l’utilisation des crédits carbone lorsque les réductions et la séquestration des GES sont nécessaires; les incitations à l’accès à l’innovation industrielle et à l’adoption des NBS au Canada, qu’ils ont qualifiées de « technique de la carotte »; et à l’établissement d’exigences de base pour les NBS, qu’ils ont appelé « technique du bâton », en se référant à la métaphore de la « carotte et du bâton » comme deux outils de management.

Potentiel du Canada en matière de NBS dans les actifs naturels

Les interventions du ministre, de la représentante des Premières Nations et de l’expert œuvrant dans le domaine des municipalités ont permis de mettre quelque peu en exergue le potentiel du Canada en matière de NBS eu égard à son environnement naturel.

Pour commencer, le ministre, dans son propos, a reconnu que deux crises étaient déjà présentes avant l’avènement de la pandémie du Covid 19 : le changement climatique et la perte croissante de la biodiversité. D’après lui, la pandémie a créé une grande incertitude et d’énormes pertes économiques et humaines, tout en amplifiant un certain nombre de problèmes systémiques et d’inégalités à long terme. La priorité du Gouvernement a donc été et reste la santé, la sécurité de l’emploi et le bien-être de tous les Canadiens.

Poursuivant son allocution, le ministre a rappelé que pour éviter les pires effets du changement climatique et parvenir à un espace net zéro d’ici 2050, le Canada doit faire face à ces crises de manière à soutenir la reprise économique sur le long terme, bien que le pays détienne 70 % des dernières zones sauvages de la planète. C’est pourquoi le gouvernement a fait le plus gros et important investissement en matière de préservation de la nature de l’histoire du Canada– 1,3 milliard de dollars – pour nous aider à atteindre les objectifs de conservation pour un quart des superficies de nos terres et un quart de nos océans au cours des cinq prochaines années. Il a aussi mentionné que c’est dans le même esprit que le premier ministre Trudeau a annoncé, tout récemment, que le Canada se joignait à 25 autres pays pour plaider en faveur de la protection de 30 % des terres et des océans du monde d’ici 2030. De même, le ministre a relevé que le potentiel des NBS est important, car, a-t-il révélé, des études ont estimé que les NBS pourraient globalement fournir jusqu’à 1/3 des réductions totales de CO2 requises d’ici 2030 pour aider à maintenir le réchauffement climatique en dessous de 2 °C. Et, il a conclu en affirmant que les gouvernements et le secteur privé ont également un rôle important à jouer pour faire progresser les NBS.

Ensuite, la représentante des Premières Nations, Chef Marilyn Slett, présidente des Premières Nations côtières – Colombie-Britannique, a souligné le devoir que nous avons tous de protéger la nature. Elle a illustré son propos par un court métrage dépeignant la vie quotidienne de son peuple qui compte quelque 20 000 âmes. La vidéo montrait comment ce peuple œuvre pour la protection de ses territoires (terres, eaux). Elle a d’ailleurs insisté sur le côté incitatif de leur action, en rapportant qu’ils accomplissent un dur labeur au terme duquel leurs efforts sont convertis en crédits carbone qu’ils vendent au gouvernement de la Colombie-Britannique pour que celui-ci soit carboneutre.

Enfin, l’expert Roy Brooke, directeur général de Municipal Natural Assets Initiative, qui œuvre dans le domaine des municipalités, a affirmé que beaucoup de travail est fait dans le domaine de l’habilitation et des normes en matière d’actifs naturels. Il estime que les municipalités canadiennes sont tenues d’adopter des systèmes modernes et structurés de gestion des actifs naturels pour assurer une prestation de services « durable », et ce travail ne peut se faire sans inclure la dimension autochtone qui est très importante. Pour ce dernier, un actif bien géré et protégé prendra de la valeur avec le temps. Nous devons donc trouver des moyens de reconnaître, d’agir et de comprendre la pleine valeur des actifs naturels, notamment par le biais d’inventaires de ces actifs naturels.

Disponibilité des instruments en faveur des NBS : la carotte et le bâton comme outil de management

L’invitée Denise Chang-Yen, responsable du développement NBS, SHELL Canada, a rappelé que SHELL a annoncé son ambition d’être une entreprise Net Zero d’ici 2050. Elle a, en outre, précisé que cet objectif ne peut être atteint que par des objectifs intermédiaires, notamment l’amélioration annuelle de l’intensité carbone de SHELL. Selon cette responsable, la NBS a permis et continuera de permettre à SHELL de développer des opportunités commerciales pour offrir à ses clients des carburants neutres en carbone en utilisant les crédits-carbone issus de projets de séquestration (dans la nature). C’est déjà le cas dans les stations-service de Shell au Royaume-Uni et aux Pays-Bas qui proposent des carburants neutres en carbone. Par ailleurs, Denise Chang-Yen a annoncé que SHELL prévoit de dépenser 200 millions de dollars cette année et l’année prochaine pour les NBS, et pense que cela pourrait être bénéfique au Canada, mais sous certaines conditions : que les cadres réglementaires appropriés soient en place. D’après cette responsable de SHELL, le Canada doit investir dans les structures, le cadre réglementaire et les protocoles d’investissement, ce qu’elle a appelé « la technique de la carotte ». Elle soutient que SHELL pourrait offrir au Canada son expertise dans le domaine des marchés du carbone, avec un marché qui fonctionne déjà depuis un certain temps en Alberta.

Pour sa part, le président de Radicle Balance, Alastair Handley, qui a travaillé pendant plus de 15 ans sur les marchés canadiens du carbone, a affirmé que les marchés du carbone fonctionnent extrêmement bien pour encourager les actions visant à réduire ou à éliminer les émissions de GES. Toutefois, il a tenu à mettre en exergue l’existence d’importants obstacles à l’investissement dans des solutions climatiques naturelles pour participer au marché du carbone et la non-existence de cadre réglementaire permettant la création de crédits carbone de manière uniforme dans tout le pays. Pour ce dernier, les crédits carbone ne sont pas un résultat, mais un outil conçu pour faciliter la transition et aussi pour susciter un changement de comportement dans tous les modes de vie et qui mènerait plus tard à un niveau d’émission zéro. De plus, selon M. Handley, le gouvernement devrait émettre un règlement, qu’il a qualifié de « technique du bâton », afin de stimuler les comportements en exigeant, par exemple, que les projets d’infrastructure soient carboneutres, tout en laissant une certaine flexibilité sur la manière dont les organisations qui doivent investir dans les NBS le feront au lieu d’imposer la plantation d’arbres.

Au regard de ce qui précède, tous les intervenants s’accordent à dire que les solutions issues de la nature pourront contribuer à maintenir le réchauffement climatique en dessous de 2 °C d’ici 2030, et que la contribution des peuples autochtones est importante. À cette fin, ils ont recommandé aux gouvernements fédéral et provinciaux ainsi qu’aux responsables politiques de fournir les ressources nécessaires et de créer des protocoles et des cadres de marché, car il y a un besoin urgent. En définitive, ils ont fait valoir que la nature nous permettra en partie d’y parvenir et que les crédits carbone le feront également si et seulement si nous travaillons tous ensemble à ces solutions.

Qu’en est-il de la contribution des autres types de solutions à l’instar des technologies alternatives qui soutiennent des solutions économiques, sociales et environnementales positives pour l’atteinte des mêmes objectifs?

Nature-based solutions ou science-based solutions (SBS): notre point de vue sur ces options

Il est vrai que les idées, voire les solutions les plus excitantes et les plus inspirantes peuvent provenir de la nature qu’il s’agisse de la conservation de la nature, du partage des ressources naturelles ou de la réalisation des projets contre les changements climatiques. Cependant, il n’y a pas que la nature qui permet d’y arriver. II est plutôt essentiel de parvenir à la création des systèmes adaptatifs et dynamiques compte tenu de la complexité des défis socio-économiques et environnementaux auxquels nous sommes confrontés. En d’autres termes, si l’humain souhaite freiner l’épuisement des ressources naturelles et réduire ses émissions de GES, cela passerait par la consommation responsable et durable, ainsi que la réduction à la source. Et, les solutions technologiques, qui sont des SBS, peuvent contribuer à atteindre ces objectifs en adoptant des technologies dites « vertes » pour accompagner le changement de comportement et éduquer les gens à la réduction à la source. C’est ainsi que l’on parviendra à long terme à des émissions nulles.

Par exemple, comment demanderait-on à des gestionnaires d’immeuble de réduire l’impact environnemental de leurs activités si ce n’est en optimisant l’utilisation des ressources (conversion énergétique, optimisation énergétique, gestion des déchets, etc.). La réduction des émissions étant l’affaire de tous, une experte en matière d’empreinte carbone et de gestion du cycle de vie a déclaré que: « face aux défis climatiques, il n’y a pas de comportement à adopter ou de geste à bannir par tout le monde. Notre empreinte carbone, c’est un budget à équilibrer. Chacun va valoriser quelque chose de différent, selon ses contraintes. » Cécile Bulle. En effet, dans la gestion des déchets, l’on veut éviter l’enfouissement et dans la réutilisation, l’on veut éviter le recyclage des matériaux qui consommerait beaucoup d’énergie et générerait de grandes quantités de GES, étant donné que la stratégie basée sur l’approche « 3RV-E » (réduire, réutiliser, recycler, valoriser puis éliminer) est encore fortement recommandée dans le cadre de la transition socioécologique.

Et, comment encourager les organisations locales à optimiser l’utilisation des ressources par la consommation responsable, la réduction à la source et la réutilisation des matériaux? À notre avis, en les aidant à générer de la valeur à partir de leurs efforts en faveur de l’environnement. Cela produirait ainsi des bénéfices socio-économiques et environnementaux, tout en favorisant les meilleures pratiques, une économie circulaire et des activités écoresponsables sur le long terme, afin de faciliter la transition écologique vers des émissions nulles. Par exemple chez Solutions Will, la vente de crédits carbone permet de financer les actions des entreprises locales (PME) et de faire la transition vers des solutions plus écologiques, réduisant ainsi les émissions de GES.

Pour conclure, nous dirons que, oui, les NBS sont importantes parce qu’elles jouent un grand rôle dans la séquestration des GES; mais, les SBS sont également importantes parce qu’elles contribuent à la réduction des émissions de GES tout en favorisant les changements comportementaux vers l’écoresponsabilité. Les deux approches se complètent l’une l’autre.

Et vous, votre point de vue sur cette question revêt une grande importance : quelle est votre opinion sur les NBS et les SBS?

 

Texte écrit par: Christelle Mylène Noutchomwa, Quantificatrice de GES chez WILL