Par: Alexie Roy-Lafontaine

Si je prends mon vélo pour me rendre au travail, je pratique la mobilité durable, non? Oui et non, la réponse n’est pas si simple.

En fait, le concept de mobilité durable lie une multitude d’acteurs de différents secteurs. Les citoyens ont assurément leur rôle à jouer quant au mode de déplacement qu’ils choisissent, mais la planification urbaine et le ministère des transports sont également concernés par cet enjeu.

Selon la Politique de mobilité durable et d’électrification du Québec, la mobilité renvoie à la capacité et au potentiel des personnes et des biens à se déplacer ou à être transportés. Elle est le fondement des échanges sociaux, économiques et culturels des individus, des entreprises et des sociétés. Cependant, pour qu’elle soit durable, elle doit être efficace, sécuritaire, équitable, intégrée au milieu et compatible avec la santé humaine et des écosystèmes.

En d’autres mots, la mobilité durable vient repenser le paradigme classique des transports. Elle intègre l’accessibilité et la proximité des infrastructures de déplacement, elle est centrée sur la réduction des déplacements automobiles et elle voit la rue comme un espace de vie (circulation, consommation, socialisation, etc.).

À l’inverse, la vision classique des transports est orientée sur la distance par rapport au temps, elle est centrée sur les véhicules et sur la priorisation des solutions techniques (Vivre en ville, 2019).

L’accroissement de la capacité des systèmes routiers et autoroutiers pour augmenter la rapidité des flux n’est pas une solution durable. Ce genre de politique amène la dégradation des ressources et du territoire en augmentant la dépendance des individus à la possession d’une automobile, tout en cultivant la dépendance des sociétés aux combustibles fossiles. De plus, l’automobilité stimule l’étalement urbain et l’accroissement des distances à parcourir pour les individus et les biens, freinant le développement et l’amélioration de la mobilité durable (Bourdages et Champagne, 2012).

La demande de mobilité est croissante et le secteur des transports représente déjà plus de 44% des émissions de gaz à effet de serre annuels au Québec. De cette portion, 22% est attribué aux transports des véhicules personnels et l’autre 22% au transport des véhicules commerciaux (marchandises, industries et voyageurs) (Pineau et al., 2019). L’augmentation de la densité de la circulation génère différentes problématiques environnementales, mais également des problématiques sociales et économiques. Un ménage québécois dépense environ 17% de son budget annuel après impôts en transports, portion légèrement supérieure à celle représentée par l’alimentation (Politique de mobilité durable et d’électrification, 2018). Les bouchons de circulation et les distances à parcourir ont des incidences sur le temps consacré aux déplacements et sur le budget des individus alloué à ce secteur.

L’émanation de particules fines provenant des automobiles contribue à la dégradation de la qualité de l’air, entraînant des épisodes de smog plus fréquents et plus intenses. La santé publique en est ainsi directement affectée. Finalement, les moyens de transports motorisés classiques sont massivement énergivores et contribuent inévitablement aux changements climatiques par le dégagement de gaz à effet de serre (Appert, 2009).

Quoique le secteur automobile ait subi des innovations et que les véhicules soient régis par des normes sévères, il reste que trop de véhicules sont présents sur les routes. Les infrastructures routières sont subséquemment plus enclines à se faire endommager. Même si chacun possédait un véhicule électrique ou à énergie verte, la problématique de la densité de la circulation resterait. Ainsi, la majeure partie de la solution dans le domaine de la mobilité durable ne se trouve pas tant dans les innovations technologiques. Le réaménagement des territoires pour intégrer une plus grande superficie d’accès aux moyens de transports collectifs et actifs doit primer sur les automobiles (Bourdages et Champagne, 2012).

Les centres urbains et les régions à l’heure actuelle

Le concept de mobilité durable a été développé en 1990. Il a certainement évolué au fil des années, mais il a brisé le concept classique des transports dès le départ en combinant les transports collectifs et individuels sous forme de chaîne : prendre son vélo pour se rendre au métro par exemple. Il a révolutionné la planification urbaine et régionale sur les plans d’aménagement du territoire et sur la gestion des transports urbains (Champagne et Negron-Poblete, 2012).

C’est pourquoi, actuellement, toutes les villes ou presque disposent de leurs services d’autobus, de leurs services de métro, de trains et de vélos publics. Cependant, le trafic automobile ne cesse d’augmenter chaque année, malgré les efforts des villes à fournir des infrastructures de transport collectif et actif (Vivre en ville, 2019).

Pourquoi donc la majorité de la population préfère aller s’asseoir dans un véhicule à 5 places, seul.e, sur une autoroute en pleine heure de pointe?

La réponse contient plusieurs éléments sur lesquels sont appuyés les principes de la mobilité durable : l’accessibilité, la proximité, le maillage plutôt inefficace des différents transports et les coûts.

Une étude démontre qu’un.e travailleur.se qui habite et travaille au centre-ville utilise les transports alternatifs pour se déplacer, alors qu’un.e travailleur.se habitant à l’extérieur du centre-ville prend sa voiture puisque les transports alternatifs lui sont moins accessibles (Champagne et Negron-Poblete, 2012).

En effet, la planification urbaine classique des villes ne privilégie pas l’utilisation des transports alternatifs, puisqu’elle est, encore aujourd’hui, centrée sur les déplacements automobiles. De plus, remodeler une ville complète entraîne des coûts astronomiques. C’est pour cette raison qu’on parle d’une transition étalée sur plusieurs années (Politique de mobilité durable et d’électrification, 2018).

Amener les villes centrées sur les automobiles à prioriser leurs citoyens et devenir des centres urbains où il fait bon y vivre est l’ultime but de la mobilité durable. Par ailleurs, la réduction des émissions de gaz à effet de serre, la diminution des conséquences des îlots de chaleur dans les grandes villes, un quotidien plus sécuritaire et une meilleure qualité de vie pour les citoyens sont des répercussions liées directement à cette transition (Appert, 2019).

La transition selon la méthode Éviter – Transférer – Améliorer

Cette méthode de transition pour la mobilité urbaine est adoptée officiellement par le Programme des Nations Unies pour l’Environnement et par diverses organisations dans le partenariat pour le transport durable faible en carbone ou « Partnership on sustainable low-carbon Transport » (SLoCaT).

Elle est centrée sur 3 stratégies à mettre en place selon l’ordre : Éviter, transférer et améliorer.

Par éviter, il est question d’induire une diminution des besoins et des distances parcourues en déplacements motorisés. Ensuite, transférer renvoie à l’accroissement des modes de transports moins énergivores pour diminuer les émissions de GES par l’encouragement de l’utilisation des transports collectifs et actifs. Finalement, on parle d’amélioration de l’efficacité énergétique des véhicules par les innovations technologiques.

Les deux premières stratégies priment sur la dernière, puisqu’elles ciblent la dépendance aux automobiles individuelles et qu’elles induisent une modification structurelle des conditions et des comportements de déplacements en misant sur la notion d’accessibilité. Ce sont de véritables changements durables puisqu’ils ne dépendent ni d’une source d’énergie, ni d’une avancée technologique (Vivre en ville, 2019).

Selon le GIEC, les gens utilisent moins l’automobile dans les secteurs à forte densité de population, où les activités sont diversifiées, où les réseaux de rues sont bien connectés avec les trottoirs et où la perméabilité urbaine est mise de l’avant. Également, les gens sont moins portés à utiliser leur automobile à proximité du centre-ville ou d’une centralité et où il y a des transports en commun efficace (GIEC, 2014).

Politique de mobilité durable du Québec de 2030 : Transporter le Québec vers la modernité

Le ministère des transports du Québec a élaboré un plan de mobilité durable à mettre en place sur l’ensemble du territoire du Québec entre 2018 et 2030. La politique vise 10 cibles entourant la mobilité liées à l’environnement, à l’économie et au plan social.

Les grands objectifs du gouvernement québécois sont, entre autres, d’améliorer les services de transports pour répondre aux besoins des usagers, de diminuer les émissions de GES dans le but d’atteindre les objectifs fixés et de diminuer la congestion routière pour diminuer le temps et les coûts de déplacements et ainsi maintenir la qualité des infrastructures.

Les citoyens et les entreprises sont au cœur de cette politique. Ils sont soutenus par un système de transports qui est dit multimodal, fiable et performant. Également, le ministère prévoit un aménagement du territoire favorable à la pratique de la mobilité durable. Il est mentionné que d’ici 2030, 70% de la population québécoise aura accès à au moins 4 services de mobilité durable.

Le gouvernement prévoit faciliter l’accès aux services par des moyens durables et d’optimiser les déplacements pour ainsi diminuer les coûts. Dans l’optique d’une politique juste et équitable, les personnes vulnérables, à faibles revenus et habitant en région sont incluses dans les mesures qui seront mises en place (Politique de mobilité durable et d’électrification, 2018).

Dans le rapport émis par le ministère des transports, ces « moyens de transports durables » ne sont pas énumérés et le ministère reste plutôt vague quant aux moyens qui seront entrepris pour arriver à mettre sur place son plan de mobilité.

Cependant, on voit Montréal, avec le support financier de Québec, œuvrer dans le sens de la mobilité durable par l’augmentation des voies cyclables sur les routes, par les voies réservées aux transports collectifs, par la construction du REM et par l’acquisition de 52 trains de métro « azur » dans le cadre de sa campagne « Électrisons Montréal » (Ville de Montréal, 2016).

Le défi est cependant supérieur dans les régions du Québec où l’étalement urbain prime et où les distances à parcourir sont nettement supérieures à celle dans les centres urbains.

Petite ville, grandes ambitions 

La petite ville de Montería en Colombie voit la popularité de ses services de transports en commun augmenter de 10% à chaque année. En effet, elle a instauré une chaîne de transports collectifs dynamique. En liant les autobus à des navettes de « moto-taxi », il est agréable pour les citoyens de se déplacer à l’aide des transports alternatifs. En constituant un système dynamique, chaque coin de rue devient un arrêt pour les navettes. Au débarcadère de l’autobus, les citoyens envoient un texto à la compagnie Yipi, puis la navette qui les apporte à leur domicile arrive en 5 minutes. Étant une petite ville où tout ou presque est décentralisé, ce système de transport alternatif fonctionnant à l’aide de zones GPS et dont la surveillance y est faite 24/7 s’adapte selon l’heure de pointe et selon les conditions routières. Ainsi, les problématiques de la distance et de l’accessibilité ne sont plus des enjeux. Les citoyens n’ont plus à marcher des kilomètres pour se rendre à l’arrêt de bus. Les usagers économisent du temps et ce système efficace permet de déplacer plus de gens en moins de temps (Jacobson, 2017).

En somme, la mobilité durable est un enjeu qui allie les gouvernements et les citoyens. Cette transition ne serait pas possible sans un changement dans la culture et dans la vision des déplacements en société. Il ne s’agit pas de voir les routes comme la problématique. En fait, elles font parties de la solution. Leur optimisation est notoire pour la mobilité durable. Les voies cyclables et piétonnes ainsi que les voies réservées aux transports collectifs représentent de véritables corridors de déplacements haute-vitesse. Lorsque l’harmonie sera trouvée dans ce présent chaos, les centres urbains seront viables, agréables et sécuritaires pour les citoyens. Une ville où les habitants y ont priorisés par rapport aux automobiles, ça va de soi, non?

 

____________________

Référence additionnelle:

CCMM (Chambre de Commerce du Montréal métropolitain) (2010). Le transport en commun au cœur du développement économique de Montréal, PDF, Novembre 2010, Québec, Canada, 58 p. URL : https://www.ccmm.ca/documents/etudes/2010_2011/10_11_26_ccmm_etude-transport_fr.pdf