Convenant de soutenir et de promouvoir la coopération régionale et internationale afin de mobiliser une action climatique plus forte et plus ambitieuse de la part de toutes les Parties et des autres acteurs, y compris de la société́ civile, du secteur privé, des institutions financières, des villes et autres autorités infranationales, des communautés locales et des peuples autochtones.

-Accord de Paris


Un texte de Martin Clermont

Le vendredi 23 mars dernier c’était la mise en ligne du Bilan mi-parcours du Plan d’action 2013-2020 sur les changements climatiques (PACC) basé sur l’inventaire québécois des émissions de gaz à effet de serres (GES) en 2015 et leur évolution depuis 1990. Malgré les propos bien intentionnés du Bilan et du maintien des cibles du gouvernement, il semble y avoir un sérieux décalage entre les dires de l’État québécois et les résultats qui se font toujours entendre. Plutôt que de saisir cette opportunité afin de propulser toute la société québécoise vers l’avant sous la bannière d’une nouvelle génération de bâtisseurs verts, l’État planifie d’acheter les efforts des autres nations pour palier son manque à réaliser et reconnaître des réductions de GES dans sa propre cours. La société civile et les PME du Québec sont incrédules face à cette approche corporative et bureaucratique alors qu’il existe des solutions simples déjà opérationnelles afin d’impliquer toutes les parties prenantes dans un véritable effort de réduction des GES concerté.

Cibles de GES : rêve, réalité et exode de la richesse

Selon les données de l’inventaire québécois des émissions de GES 2015, les émissions de GES sont en augmentation. Ce constat tient en compte tous les programmes du PACC et leurs mesures. De toute évidence, cette augmentation persistera au moins jusqu’en 2018, sinon plus.

L’État maintient toujours des cibles de réductions irréalistes pour 2020 et pour 2030. Nous voguons droit vers un mur. Alors que plusieurs économies européennes font des pas en avant, le rêve québécois d’une transition vers une économie sobre en carbone est toujours un mirage. L’État mentionne que, pour 83% des réductions requises d’ici 2030, les cibles seront atteintes principalement par l’acquisition de droits d’émission provenant de l’extérieur du Québec et par des mesures gouvernementales qui demeurent encore à être définies. Plutôt que d’agir en tant que catalyseur d’une transition économique du 21e siècle, cette vision continue d’encourager l’exode de capitaux.

À cela s’ajoute une fixation continuelle sur le «secteur des transports» qui est, certes, une source majeure d’émissions de GES. Toutefois, sa présentation par l’État en est une vision de silo, qui va à l’encontre de la réalité de la mobilité qui est difficilement dissociable des activités économiques de la société civile catégorisées en sources d’émissions distinctes qui sont utilisées par l’inventaire.

Avec un besoin de réductions de GES croissant, en terme de millions de tonnes/an en sol québécois, il y a de l’autre côté une réalité incontournable d’augmentation de celles-ci. Au lieu de converger, nous sommes engagés sur un chemin divergeant s’éloignant de plus en plus du but visé.

Le dysfonctionnement du SPEDE

Le Système de Plafonnement et d’Échange de Droits d’Émission (SPEDE) mis en place le 1er janvier 2013 n’a pas donné les réductions d’émissions de GES ciblées et souhaitées pour 2020. Le rôle du SPEDE en tant que signal de prix afin de modifier la consommation d’énergie fossile ne fonctionne pas. Le coût carbone, est perçu avant tout par tous, sauf exception, comme une taxe, qui passe sous le tapis des fluctuations du prix à la pompe et cela depuis 2013. Le SPEDE est un mécanisme de marché dans lequel l’offre et la demande est sous la gouverne d’un seul et même acteur; l’État. De ce fait, c’est un marché qui induit des distorsions significatives, auxquels il y aurait des ajustements possibles à faire tout en respectant son intégrité.

Sous-utilisation de réductions de GES produites en sol québécois

Il y a une sous-utilisation des réductions de GES réalisées au Québec par les organisations non assujetties au SPEDE, soit plus de 99,9% de bâtiments des secteurs industriel, commercial et institutionnel.

Les réductions de GES réalisées au Québec par les acteurs qui ne rentrent pas dans le cadre réglementaire ne sont pas présentement reconnues dans les portefeuilles de conformité du SPEDE. Ces portefeuilles sont actuellement limités aux allocations gratuites et droits d’émissions émisent par le Ministre et aux crédits réglementés compensatoires (Crc).

À l’égard de ceux-ci et en date des présentes, il y a un écart significatif (de l’ordre de 200 fois) entre la production et disponibilité de CrC qui sont produits en sol québécois et ceux de la Californie. Écart qui, s’il est maintenu et non corrigé, engendrerait un exode de capitaux cumulé de 2,82 milliards de $CDN à l’horizon 2030.

En parallèle, il y a une frustration grandissante d’entreprises québécoises, assujetties au SPEDE, qui souhaiteraient soutenir économiquement et socialement leur communauté (PME et municipalités environnantes) en achetant leurs réductions de GES vérifiées et de qualité comparable au CrC, provenant du Québec et qui agirait de surcroit comme une considération d’acceptabilité sociale sur leurs projets d’expansion.

Ces entreprises désireraient pouvoir utiliser ces réductions de GES vérifiées, de qualité comparable, dans leur portefeuille de conformité du SPEDE. De simples mécanismes d’ajustement peuvent offrir une plus grande justice sociale et environnementale, ce que notre principal partenaire du Western Climate Initiative (WCI), la Californie, a déjà mis en place dès le milieu de 2017.

C’est d’autant plus simple et possible alors qu’au Québec il y a environ 30 millions de Droits d’Émissions du SPEDE invendus et non utilisés en date du 31 décembre 2017, incluant ceux de la réserve du Ministre. Il faut revoir notre dogmatisme envers le libre-échange commercial et nuancer avec des stimuli favorisant des réductions de GES en sol québécois.

Sortir du moule

Les changements climatiques sont un enjeu complexe, surement, multi-variables absolument, avec des impacts économiques, sociaux et comportementaux transitoires, certes, mais l’appareil de l’État semble constant dans sa vision que l’État est le seul ou principal chef d’orchestre du changement ciblé et souhaité.

L’action gouvernementale présentée au Bilan donne une apparence d’une préoccupation première à taxer avant tout le carbone, s’appuyant sur le mantra de la Banque Mondiale à l’effet de mettre un prix sur le carbone. Dans un deuxième temps, la prévision et la conceptualisation des programmes développés par l’État vue d’yeux gouvernementaux, c’est-à-dire de haut vers le bas, produisent des résultats en dessous des objectifs visés. Notons tout de même quelques bons coups du SPEDE tel que le recueillement des sommes importantes pour le Fonds Vert qui a à son tour alimenté le PACC.

Il ne faudrait pas conclure trop vite et rejeter en bloc le SPEDE, ce qui serait jeter le bébé avec l’eau du bain. Il y a de la place pour des ajustements (comme ceux réalisés sur la période de 2017-2018 en Europe et en Californie) permettant une plus grande justice sociale et environnementale. De plus, il y a un réel besoin de leadership gouvernemental qui combiné avec des semences sociales du changement, c’est-à-dire des gestes de citoyen-ne-s provenant du terreau qu’est la société civile. C’est une piste étroite certes, mais combien nécessaire et prometteuse, c’est la voie du milieu.

En réalité, l’aspect participatif dans le Bilan est présenté avant tout par une augmentation du nombre de partenaires croissants, qui sont limités à des partenaires étatiques. Cela confirme la vision linéaire de l’État sur son rôle quasi exclusif de leadership qui est en porte à faux avec un des éléments du préambule de l’Accord de Paris. Celui-ci est à l’effet d’impliquer toutes les parties prenantes de la société et de reconnaitre ainsi le rôle, la force et le désir de la participation citoyenne; PME, municipalités, OSBL, bref de l’ensemble de la société civile.

 C’est le un bon moment pour que l’État québécois mesure son empreinte carbone, comme le fait le gouvernement fédéral et comme le fait de plus en plus de villes. Le pas suivant serait de compenser ce qu’il ne peut réduire par l’achat des gestes et efforts de réductions de GES provenant de ses concitoyen-ne-s. C’est du leadership politique et c’est réalisable maintenant.