Le changement climatique est un problème qui est actuellement traité dans presque tous les pays, villes et régions du monde. Le GIEC a conclu dans son rapport de 2018 que le monde aurait de meilleures chances de limiter l’augmentation de la température globale à 1,5 °C si l’on parvenait à zéro émission de gaz à effet de serre (GES) d’ici 2050. En outre, lors de la conférence des Nations Unies sur le changement climatique COP21 à Paris, les gouvernements ont convenu qu’une action climatique plus forte et plus ambitieuse était nécessaire de toute urgence si l’on voulait atteindre les objectifs de l’accord de Paris.

De plus, l’année 2020 est presque entièrement passée dans la crise du Covid -19, qui a mis l’économie mondiale sur une voie incertaine. Cependant, l’année 2021 est arrivée avec beaucoup d’espoir et d’énergie pour la décennie à venir dans la lutte contre le changement climatique. Nombreux sont ceux qui croient fermement que les initiatives de relance économique post-Covid dans le monde entier ont le pouvoir de faire la différence. L’argument avancé est que les initiatives rendues possibles par les fonds de relance ont le pouvoir non seulement de reconstruire les économies affaiblies, mais aussi d’affirmer avec force que la reprise économique à court terme n’est pas en contradiction avec nos objectifs à long terme ou avec les mesures que nous devons prendre pour assurer l’avenir de la vie sur notre planète. C’est dans cette même optique que la campagne mondiale « Objectif Zéro », connue sous le nom de « Net Zero » a été lancée le 28 janvier 2021.

 

Campagne Net Zero : Définition, origine et objectif

Définition du Net Zero

Atteindre le « Net Zero » signifie qu’il n’y a aucune émission de carbone dans l’atmosphère. Cela signifie aussi atteindre un niveau où les émissions résiduelles de GES d’origine humaine sont entièrement compensées par des actions d’élimination du carbone, telles que la plantation d’arbres ou des projets de technologie verte. Quant à la campagne Net Zero, elle est la campagne internationale menée par les champions de la CCNUCC, afin de parvenir, de manière saine et juste, à des émissions nulles de GES.

Pour y parvenir, il faudrait tout d’abord que les émissions d’origine humaine, comme celles provenant des combustibles fossiles, soient réduites au niveau le plus bas possible. Ainsi, toute quantité de GES restante serait compensée par une quantité équivalente d’absorption de carbone. C’est pourquoi la mobilisation des villes, des entreprises et des investisseurs autour de nombreux réseaux et initiatives internationaux a été lancée.

Origine de l’initiative Net Zero 

La campagne du Net Zero trouve ses origines dans les éléments clés de l’accord de Paris et du partenariat de Marrakech pour l’action climatique. En effet, l’Accord de Paris sur le climat s’est engagé à maintenir les températures mondiales en dessous de 2,0 °C par rapport à l’époque préindustrielle et de préférence à 1,5 °C. Dans le cadre de cet Accord, chaque pays fixe ses propres objectifs de réduction des émissions, appelés contributions nationales déterminées, qui sont revus tous les cinq ans pour en accroître l’ambition. Et, sous la direction des Champions du climat de haut niveau, le partenariat de Marrakech soutient la mise en œuvre de l’accord de Paris en permettant, facilitant et renforçant la collaboration entre les gouvernements et les villes, les régions, les entreprises et les investisseurs qui doivent agir en faveur de la lutte contre le changement climatique.

Ce faisant, alors que la conférence des Nations Unies sur le changement climatique, COP25, se tenait en décembre 2019 à Madrid, plus de 500 entreprises se sont engagées à accélérer leurs réductions d’émissions de GES afin d’atteindre la trajectoire de 1,5 °C qui, selon les prévisions scientifiques, pourrait conduire à un taux net zéro d’ici 2030, soit 20 ans avant l’échéance de 2050 précédemment établie. Ces entreprises font partie de la grande communauté mondiale de plus de 3000 entreprises certifiées B Corp qui, après des évaluations rigoureuses, répondent aux normes les plus élevées en matière de transparence et de responsabilité juridique ainsi que de performances sociales et environnementales. Elles se servent de leur leadership pour s’attaquer aux grands maux sociaux et environnementaux auxquels nous sommes confrontés comme la crise climatique.

En effet, les chefs d’entreprise à l’origine de la campagne Net Zero reconnaissent que les crises auxquelles le monde est confronté menacent la santé financière des marchés et des entreprises et que l’échéance critique pour réduire les pires impacts du changement climatique et empêcher les températures de dépasser le point critique est 2030. D’autre part, ces entreprises croient fermement qu’une ambition climatique audacieuse, fondée sur les principes de durabilité, d’égalité et de responsabilité du B Corp, peut contribuer à créer un avenir qui respecte, valorise et protège nos communautés et notre planète. Il est donc impératif que toutes les entreprises fassent preuve de leadership dans la réduction et l’élimination des émissions tout en s’efforçant d’assurer une transition juste pour les travailleurs et les communautés vers une économie à émissions nulles de GES. C’est dans ce contexte qu’a été lancée la course à l’objectif « zéro émission », rassemblant et collaborant avec une série de réseaux et d’initiatives de premier plan dans la communauté mondiale de l’action pour le climat.

Objectif de la campagne Net Zero

Cet engagement en faveur de l’action climatique pour un avenir sans émissions de GES d’ici 2030 vise à inspirer et à inciter d’autres entreprises dans le monde à suivre leur exemple dans la lutte pour le changement climatique. Selon les initiateurs de la campagne, il est judicieux de parvenir à un niveau Net Zero d’émissions de GES d’ici 2050 et tout à fait logique de fixer des objectifs intermédiaires clairement définis si l’on veut atteindre les objectifs de l’Accord de Paris. Ils estiment que toutes les entreprises devraient s’engager légalement à mener leurs activités en tenant compte de l’environnement et de toutes les parties prenantes, et pas seulement des actionnaires. Pour ce faire, ils invitent l’ensemble de la communauté B Corp à :

  • Déclarer une urgence climatique et prendre des mesures pour le climat;
  • Accélérer la réduction des émissions de GES;
  • Élaborer un plan Net Zero;
  • Rejoindre le collectif B Corp pour le climat.

En pleine crise sanitaire du Covid 19, les actions et les adhésions à la campagne du Net Zero ont vu leur nombre augmenter considérablement. Ainsi, dans le contexte actuel, la campagne vise à rallier le leadership et le soutien des entreprises, des villes, des régions et des investisseurs du monde entier pour une reprise économique saine, résiliente et sans carbone, capable de prévenir les menaces futures, de créer des emplois décents et de permettre une croissance durable et inclusive.

Pour les initiateurs de la campagne, l’accent doit être mis sur la transformation des systèmes environnementaux, économiques et sociaux, en encourageant toutes les parties prenantes à être plus ambitieuses pour atteindre collectivement l’objectif de 1,5 °C et d’un monde résilient et carboneutre. Bien que cela ne soit pas encore suffisant, de nombreuses initiatives dans le monde entier rendent compte de cette campagne. Il est important d’en faire le bilan afin d’encourager ceux qui traînent à rejoindre le mouvement.

 

La campagne « Net Zero » pour 2030 à travers le monde

De nombreuses initiatives ont été lancées. Et, comme l’ont annoncé les entreprises B Corp leaders de la campagne lors du lancement du mouvement Net Zero, nous assistons, en ce moment, à un leadership véritablement audacieux. Tous les secteurs de la société et de l’économie intensifient leurs ambitions en matière de climat. L’appel à l’action climatique et la mobilisation autour de celui-ci ont suscité un soutien accru. De nombreux pays, des entreprises et organisations nationales et internationales, des géants technologiques et des centaines de villes et régions du monde entier font preuve de progrès vers les objectifs climatiques et renforcent leur engagement à accélérer les actions futures pour atteindre l’objectif zéro.

À cette fin, en plus des 120 pays qui font déjà partie de la plus grande alliance jamais créée et qui se sont engagés à atteindre le « Net Zero » au plus tard en 2050, la campagne mobilise 454 villes, 23 régions, 1397 entreprises, 74 des plus gros investisseurs et 569 universités. Ces acteurs engagés dans l’action climatique couvrent désormais plus de 50% du PIB et près de 25% des émissions mondiales de GES.

En outre, en décembre 2020, un groupe de 30 gros gestionnaires d’actifs, gérant plus de 9 000 milliards de dollars, s’est engagé à décarboniser complètement d’ici 2050, ou plus tôt si possible. Ils vont désormais travailler avec des clients propriétaires d’actifs pour fixer leurs propres objectifs, établir des objectifs intermédiaires pour leurs actifs et revoir ces objectifs intermédiaires tous les cinq ans.

En fait, d’un point de vue global, les actions en faveur du climat sont clairement en hausse. Cela se justifie par le nombre d’actions mondiales enregistrées sur le portail de l’ONU sur l’action climatique, où les gouvernements, les entreprises, les investisseurs et d’autres acteurs peuvent soumettre leurs engagements. Le nombre de ces actions est passé de 18 000 à plus de 27 000 en novembre 2020. Et, selon l’Annuaire de l’action mondiale pour le climat 2020, les engagements Net Zero des gouvernements et des entreprises ont presque doublé au cours de l’année 2020. Parmi ces actions, on peut en citer quelques-unes.

L’Europe mise sur l’engagement total

En septembre 2020, à la veille de la rencontre de la Commission Européenne du 16 septembre, pour discuter des propositions relatives à un nouvel objectif d’émissions pour 2030, les PDG de grandes entreprises européennes, les investisseurs et les réseaux d’entreprises et d’investisseurs, dans une lettre ouverte, coordonnée par CLG Europe, ont invité les chefs d’État de l’UE et la Commission européenne à soutenir un objectif de réduction des émissions de GES d’au moins 55% d’ici 2030.

Il s’agit notamment d’entreprises du secteur manufacturier, de l’industrie lourde, de la finance, des biens de consommation, du textile, de la production d’énergie et de la technologie. Ce sont plus de 170 entreprises, investisseurs et réseaux d’affaires européens, dont Microsoft, IKEA, Deutsche Bank, Unilever, H&M, Google, EDF, Signify et Apple. D’après ces entreprises, nous devons tirer les leçons de la pandémie, à savoir qu’il est essentiel de bâtir des systèmes économiques résilients et socialement justes et que le plan de relance de l’UE doit se concentrer sur de meilleurs systèmes de reconstruction. C’est pourquoi dans cette lettre, ils appellent l’UE à revoir à la hausse ses objectifs en matière d’émissions de GES en élaborant et en mettant en œuvre un plan de relance ambitieux axé sur la réalisation d’une transition verte et numérique. Au-delà de l’Europe, plusieurs autres pays et régions ont suivi le mouvement.

De nombreuses autres régions du monde entrent en lice

L’Asie entre également dans la course à l’action climatique pour 2030 avec la Chine, la Corée du Sud et le Japon, afin de réduire les émissions à zéro d’ici le milieu du siècle. C’est aussi le cas du Royaume-Uni, du Canada et de l’Afrique du Sud. Dans cette optique, plusieurs actions ont été entreprises.

Le Royaume-Uni a annoncé fin janvier 2021 qu’il lancera, avec l’Égypte, le Bangladesh, le Malawi, les Pays-Bas, Sainte-Lucie et les Nations unies, une coalition internationale pour lutter contre les effets du changement climatique. Cette coalition complétera la campagne Race to Resilience, lancée le 25 janvier 2021, qui vise à mobiliser les acteurs non étatiques, en créant ensemble une boucle d’ambition positive pour l’action sur la résilience au cours de la prochaine décennie. D’autre part, le 11 janvier 2021, le prince Charles de Grande-Bretagne a exhorté les entreprises et les pays à adhérer à la nouvelle Terra Carta – une charte de la Terre qui vise à recueillir 7,3 milliards de livres sterling pour investir dans la nature, rapporte la BBC.

Pour leur part, les États-Unis ont annoncé le 26 janvier 2021 plusieurs actions, dont l’organisation d’un sommet de haut niveau pour la Journée de la Terre le 22 avril et la promesse d’investissements importants sur le plan national et international pour atténuer le changement climatique dans le cadre de la relance du Covid -19, selon le Scientific America. Dans le cadre de cette même action, le président Joe Biden a également demandé à son administration de préparer les États-Unis à ratifier l’amendement de Kigali au protocole de Montréal, qui vise à éliminer progressivement les hydrofluorocarbures.

Au Japon, 92 entreprises membres de la Japan Climate Initiative ont demandé, le 18 janvier 2021, au pays de porter son objectif en matière d’énergies renouvelables à 40-50 % du parc énergétique d’ici 2030 contre 22-24 % actuellement.

L’Afrique n’est pas en reste avec les initiatives de la Banque africaine de développement (BAD) en matière d’action climatique. Au cours du mois de janvier 2021, la BAD a pris deux initiatives majeures. Elle s’est engagée le 11 janvier 2021 à mobiliser 6,5 milliards de dollars US pour soutenir l’initiative de la Grande Muraille verte de l’Afrique au cours des cinq prochaines années et elle a lancé, le 26 janvier 2021, le Programme d’accélération de l’adaptation en Afrique afin de mobiliser 25 milliards de dollars US pour intensifier et accélérer les travaux d’adaptation dans toute l’Afrique.

L’ONU climat multiplie les efforts…

Plus récemment, le 1er février 2021, le Secrétariat de l’ONU pour le climat a fixé et annoncé les dates des semaines régionales du climat qui se tiendront en 2021 et 2022 dans le but d’accélérer l’action climatique pour aider à créer des dynamiques régionales et faire avancer la mise en œuvre régionale de l’Accord de Paris. En effet, ces semaines offrent une plateforme à tous les acteurs de l’action climatique (représentants des gouvernements nationaux et infranationaux, villes, secteurs privés, institutions financières et sociétés civiles) pour discuter ensemble des possibilités d’une meilleure reconstruction post-pandémie en identifiant les opportunités de déployer des mesures ambitieuses pour réduire les émissions de GES et renforcer la résilience au changement climatique.

 

Situation du Canada sur la voie du Net Zero pour 2030

L’année 2020 a été une année décisive pour l’action en faveur du climat avec de nombreux engagements pris dans le monde entier. Alors que le temps presse pour les pays d’accroître leurs ambitions, certains des pays, entreprises et investisseurs étant les plus gros émetteurs de GES ont déjà fixé un objectif de zéro émission de GES d’ici 2030. Qu’en est-il du Canada, qui est l’un des signataires de l’accord de Paris? Il a manqué sa cible en 2020 et est en passe de manquer celle de 2025, écrivent certains articles de presse. Le Canada va-t-il encore rater son objectif? Les critiques émanent des principaux partisans de l’action climatique au Canada.

En effet, l’accord de Paris prévoit que le Canada réduise ses émissions de 30 % d’ici 2030 par rapport au niveau de 2005. Et, en novembre 2020, le gouvernement canadien a dévoilé son plan pour atteindre un niveau net zéro d’ici 2050. La législation connexe, le projet de loi C-12, qui a été présentée, bien appréciée pour la mesure prise, a fait l’objet de nombreuses critiques. Les environnementalistes et de nombreux experts soulignent plusieurs lacunes, notamment le manque de responsabilité pour atteindre ou non les objectifs. Les principales conclusions qui ressortent de la lecture des critiques de certains juristes et aussi des environnementalistes sont décrites dans les paragraphes suivants.

  • Le projet de loi tel qu’il est rédigé manque de force pour garantir que le Canada atteigne ses objectifs climatiques. De plus, les objectifs fixés sont sur le long terme;
  • Les cibles à court terme et les mesures de responsabilisation sont peu nombreuses;
  • Le projet de loi proposé ne répond pas entièrement aux normes fixées par la législation britannique sur la responsabilité climatique, qui impose au gouvernement des exigences plus claires pour suivre les conseils d’experts, établir des budgets carbone et atteindre les réductions d’émissions visées;
  • Les objectifs ne sont pas très ambitieux pour 2030, comme le préconise l’Accord de Paris et toutes les initiatives qui l’entourent, et il n’y a pas d’objectifs pour 2025;
  • Le projet de loi n’exige pas d’évaluation régulière des progrès du gouvernement par des experts indépendants.

 

Conclusion

En définitive, des changements exponentiels se produisent déjà dans de nombreux secteurs clés de l’économie, souvent sous l’impulsion des partenaires du mouvement Net Zero. Certains pays, villes, entreprises et champions du climat émergent comme leaders. Si nous souhaitons atteindre le Net Zero d’ici 2030, l’année 2021, considérée comme l’année de la promesse des engagements, doit être transformée en résultats tangibles qui amélioreront la vie des gens dans le monde entier, créeront des emplois et des industries durables, fourniront un accès abordable à l’énergie propre, à l’eau, à l’alimentation et à l’assainissement, réduiront les risques et les coûts sanitaires et renforceront la résilience des populations.

De toute évidence, la pandémie du COVID-19 a révélé la vulnérabilité de notre modèle économique et a montré qu’un effort mondial coordonné est le seul moyen de sortir des crises climatiques actuelles. Dans de nombreux secteurs, pays et régions du monde, nous avons atteint une masse critique d’entreprises qui prennent des engagements importants pour réduire leurs émissions, mais l’effort n’est pas encore généralisé.

Or, nous pensons que ces engagements doivent être soutenus par des politiques gouvernementales ambitieuses pour permettre une véritable reconstruction. C’est pourquoi nous estimons que les objectifs climatiques du Canada nécessitent le soutien des provinces et des territoires, car le rôle qu’ils doivent jouer dans l’atteinte de ces objectifs est très important. Toutefois, le fait que l’Alberta, la Saskatchewan et l’Ontario s’opposent depuis longtemps à la taxe fédérale sur le carbone montre que les ambitions climatiques des différentes provinces varient considérablement, tout comme celles des différents pays. Cela soulève la question de savoir comment cette tendance de l’action climatique au Canada et ailleurs dans le monde va se poursuivre.

 

Christelle Mylène Noutchomwa

Auditrice de GES chez WILL