Par Claudie Eustache
Ces dernières années, de plus en plus d’entreprises s’intéressent non seulement à leur responsabilité sociale (généralement appelée RSE ou CSR en anglais), mais aussi à la notion d’impact. Avec l’évaluation d’impact, une organisation prendra le temps de mesurer les effets de ses activités sur divers enjeux, ce qui lui permet d’établir des objectifs pour améliorer les effets de ses activités sur l’économie, la société et l’environnement.
Il existe diverses méthodes d’évaluation d’impact, mais l’une de celles en plus grande croissance est la certification B Corp, développée par l’organisme états-unien B Lab. Les entreprises de toutes tailles et tout secteur peuvent simplement compléter le questionnaire B Assessment afin d’évaluer leur impact au niveau de la gouvernance corporative, des employés, de l’environnement ainsi que de la communauté locale. Les entreprises obtenant un pointage de 80 ou plus (sur une possibilité de 200) peuvent entamer un processus de certification si elles le souhaitent.
Le B Assessment et la certification B Corp se veulent avant tout des outils pour une amélioration continue des pratiques au sein de l’entreprise. WILL étant officiellement certifié B Corp depuis mars 2019, nous utilisons le questionnaire B Assessment pour mieux comprendre nos faiblesses, les différentes façons pour nous de devenir une organisation plus juste et ainsi faire en sorte que les crédits de carbone Communauté Durable soient une option de compensation avec un maximum de retombées.
Même pour une entreprise B Corp certifiée depuis plusieurs années, il peut être difficile de bien comprendre l’utilité de certaines question du B Assessment, ainsi que les meilleures pratiques qui y sont liées. C’est pourquoi Ryan Honeyman, de la B Corp LIFT Economy, a publié en 2014 “The B Corp Handbook: How You Can Use Business as a Force for Good”, un guide pratique à l’intention de toutes les entreprises, certifiées ou non, afin de mieux comprendre la raison d’être et la culture de la communauté B Corp ainsi qu’une explication détaillée, section par section, des différentes questions du B Assessment.
La deuxième édition de ce guide, sortie au printemps dernier, a été révisée en collaboration avec Dr. Tiffany Jana, fondatrice de la B Corp TMI Consulting, spécialisée en diversité en milieu organisationnel. La diversité et l’inclusion sociale sont des éléments au coeur de la discussion de cette deuxième édition; un choix qui n’est pas anodin. Suite à une enquête interne, B Lab a découvert qu’en plus d’avoir une main-d’oeuvre moins diversifiée que la population états-unienne générale, une majorité des employés considérait la culture de l’organisation comme étant très blanche et aisée. Des bureaux localisés dans une banlieue cossue de Philadelphie, un trio de fondateurs issus du secteur de la haute finance et l’habitude d’engager des gens ayant été stagiaires et donc issus des réseaux de la direction ou résidents de ce coin privilégié ont mené à créer des biais institutionnel au sein même de l’organisation. Plusieurs employés issus de communautés minoritaire soulignaient dans cette enquête, entre autres choses, un manque de préoccupation envers les enjeux politiques touchant certains employés dans les discussions entre collègues (violences policières, politiques d’immigration) et diverses politiques élaborée avec un seul profil d’employé en tête (par exemple, une politique de dépenses liées au travail basée sur l’idée que les employés ont tous accès à une carte de crédit avec laquelle ils peuvent avancer les fonds puis se faire rembourser). Ces résultats furent un choc et une source de réflexion pour les leaders d’une organisation qui cherche à se positionner comme une référence en matière de bonnes pratiques corporatives.
Les recommandations de Dr. Jana retrouvées à travers l’ouvrage, comme beaucoup de la documentation générale produite par B Corp, sont orientée pour un public états-unien mais servent malgré tout de base intéressante pour les B Corp du Québec ou plus largement du Canada. Nous ne pouvons échapper à cette question, en particulier dans un contexte de pénurie de main-d’oeuvre. Dans les villes comme Montréal et Toronto, les entreprises basées dans des quartiers urbains en transition, afin de profiter de loyers plus bas, offrent-elles des opportunités d’emploi aux populations traditionnelles de ces secteurs? Votre organisation est-elle prête à embaucher un candidat dont ce serait la première expérience de travail au Canada? Votre entreprise collabore-t-elle avec les entreprises et organisations autochtones de sa région?
L’un des intérêts principaux de participer au mouvement B Corp est l’idée d’être continuellement mis au défi d’améliorer nos pratiques et de ne pas s’asseoir sur ses lauriers, ce qu’il est parfois facile de faire, en particulier dans les entreprises à mission environnementale. Encore davantage que les explications offertes sur le B Assessment, les réflexions offertes par les auteurs sur leurs propres démarches d’inclusivité et d’impact social au sein de leurs entreprises ou dans leurs activités de consultation offrent des pistes de réflexions et discussion pour toutes les organisations intéressées. Il s’agit d’une lecture à recommander à toute personne souhaitant entamer une réflexion approfondie sur l’impact social de son organisation; qu’il s’agisse d’une entreprise ou d’une OSBL.
Par Claudie Eustache