À la suite de l’analyse du registre de Verra et de la base de données de Berkeley, nous avons constaté que les États-Unis étaient le  2ème  pays disposant du plus grand nombre de projets de crédits carbone après la Chine, et le 1er pays au monde en terme de crédits émis sur le marché volontaire. Par contraste, au Canada le nombre de crédits émis ne représentent qu’environ 1,7% du total de ceux émis aux États-Unis.

 

La majorité des crédits carbone américains proviennent de trois secteurs industriels : Foresterie et utilisation des sols, Procédés chimiques et Gestion des déchets. Dans cet article, nous allons étudier la Gestion des déchets, un des domaines d’intervention de Solutions Will.

La Gestion des déchets totalise 59 428 003 crédits de carbone aux États-Unis, dont 54 916 542 proviennent des projets de captage et de gestion du méthane dans les sites d’enfouissement de déchets solides. À lui seul, ce type de projet représente plus de 12% (6 589 985) du total de crédits émis aux États-Unis parmi les 75 projets présents au sein de la classification de Berkeley. Au Canada, seulement 8 596 crédits ont été émis par le captage et la gestion du méthane dans les lieux d’enfouissements techniques (LET). (Université de Berkeley, 2023).

 

Introduction : Analyse Comparée des Réglementations Américaines et Québécoises sur les Crédits Carbone dans la Gestion des Déchets

Le présent article veut comparer les contextes législatifs américain et québécois en se focalisant sur les obligations légales relatives aux sites d’enfouissement de déchets solides. Afin d’y parvenir, les lois fédérales américaines seront analysées ainsi que les lois étatiques de deux états américains; elles seront comparées aux lois et règlements québécois. Le contexte législatif fédéral canadien ne sera pas étudié car il n’encadre pas les obligations liées aux LET. En révélant les écarts de réglementation entre les différentes zones géographiques, nous tenterons de démontrer que les zones géographiques profitant d’une réglementation moins coercitive sont avantagées dans le développement de projets de réduction sur le marché volontaire. Nous tenterons également de démontrer que des lois plus permissives affectent négativement la qualité des projets de réductions mis en place.

La base de données Berkeley sera utilisée pour étudier en détail les types de projets de crédits carbone du domaine de la Gestion des déchets présents aux États-Unis et au Québec. Cette base de connée regroupe les quatre plus grands registraires de projets internationaux de compensation volontaire : American Carbon Registry (ACR), Climate Action Reserve (CAR), Gold Standard et Verra (VCS). (Université de Berkeley, 2023)

 

Contexte législatif Québécois 

À l’échelle fédérale, le gouvernement canadien complète principalement les activités des provinces en contrôlant les mouvements interprovinciaux et internationaux de déchets dangereux et de matières recyclables dangereuses. Ce sont les lois provinciales qui encadrent les obligations liées aux lieux d’enfouissement techniques (LET).  (Gouvernement du Canada, 2022)

 

Loi sur la qualité de l’environnement (Québec)

Au Québec, la loi qui prédomine est la Loi sur la qualité de l’environnement (LQE). Plusieurs règlements découlent ce cette loi. En 2005, le gouvernement du Québec a notamment adopté le Règlement sur l’enfouissement et l’incinération de matières résiduelles (Légis Québec, 2024a)

Il s’agit d’une importante réglementation visant à minimiser l’impact des biogaz (principalement le méthane) issus des lieux d’enfouissement techniques québécois. L’article 32 du règlement oblige les LET les plus importants, c’est-à-dire ceux ayant une capacité maximale supérieure à 1 500 000 m3 ou qui enfouissent plus de 50 000 tonnes de matières résiduelles par année, à capter les biogaz pour les valoriser ou les éliminer. (Légis Québec, 2024a)

En 2021, on comptait au total 38 lieux d’enfouissement techniques (LET) en activité au Québec, parmi ces derniers, 21 sous soumis aux obligations de l’article 32 du Règlement sur l’enfouissement et l’incinération de matières résiduelles. Ainsi, plus de 55% ont l’obligation de détenir un système de captage et de torchage, soit la majorité des LET québécois. Entre 2006 et 2012, le gouvernement du Québec a même créé le Programme Biogaz afin de soutenir financièrement les projets de captage, d’élimination et de valorisation des biogaz provenant de lieux d’enfouissement non visés par les obligations prévues au Règlement sur l’enfouissement et l’incinération de matières résiduelles. (MELCCFP, 2012)

 

Système de Plafonnement et d’Échange de Droits d’Émission (Québec)

Le Québec est également muni de son propre marché du carbone réglementé appelé Système de Plafonnement et d’Échange de Droits d’Émission (SPEDE). Afin d’inciter les LET non assujettis à l’article 32 du Règlement sur l’enfouissement et l’incinération de matières résiduelles à installer volontairement un système de captage et de gestion des biogaz, le gouvernement du Québec a établi le Règlement relatif aux projets de valorisation et de destruction de méthane provenant d’un lieu d’enfouissement admissibles à la délivrance de crédits compensatoires (MELCCFP, 2024).

Ce dernier permet aux LET de taille moyenne de mettre en place de manière volontaire des projets de crédits carbone revendus aux grands émetteurs du marché du carbone réglementé québécois. Un registre unique des émissions est tenu par le gouvernement Québécois et un protocole de quantification sous la réglementation du SPEDE doit être suivi par les promoteurs de projets pour proposer leurs crédits carbone sur le marché réglementé (MELCCFP, 2024). Certains LET du Québec, comme celui de Rivière-Rouge, ont ainsi implanté un système de captage de manière volontaire sans être soumis à aucune obligation réglementaire (MELCCFP, 2020a).

Étant largement pratiqué et fortement réglementé, le captage des biogaz dans les lieux d’enfouissement peut donc être considéré comme une pratique courante au Québec. Le contexte législatif empêche donc de considérer le captage et la gestion du méthane issu des LET comme projet de réduction de gaz à effet de serre (GES) sur le marché volontaire du carbone. En effet, pour être éligibles à l’émission de crédits carbone, les projets du marché volontaire doivent, entre autres, aller au-delà des pratiques courantes et de la législation en vigueur.

En amont de l’élimination des déchets, les lois et règlements québécois encadrent davantage la collecte sélective ainsi que les pratiques pouvant mettre en danger la santé des québécois et l’intégrité des écosystème. Le Règlement sur la récupération et la valorisation des produits par les entreprises donne également la responsabilité aux producteurs de 7 types de produits (produits électroniques, piles et batteries, lampes au mercure, peintures, etc.) de mettre en place un système de récupération et de valorisation de leurs produits (MELCCFP, 2023). Enfin, le Règlement visant l’élaboration, la mise en œuvre et le soutien financier d’un système de consigne de certains contenants confie la responsabilité d’élaborer, de mettre en œuvre et de financer un système modernisé de consigne aux producteurs qui commercialisent des contenants de boissons « prêtes-à-boire » de 100 millilitres à 2 litres (Légis Québec, 2024b).

En 2011, le gouvernement Québécois a adopté la Politique Québécoise de la gestion des matières résiduelles et a élaboré plusieurs plans d’action depuis. La politique a comme objectif fondamental que la seule matière résiduelle éliminée au Québec soit le résidu ultime. (MELCCFP, 2024c). Elle comprend des mesures desquelles pourraient découler des modifications légales ou réglementaires. Elle ne présente cependant aucune obligation réglementaire, mais plutôt des mesures incitatives et volontaires. À l’exception des obligations imposées par les réglements québécois cités précédemment, le recyclage, le compostage, la réutilisation et la réduction des déchets émis et le détournement des déchets de l’enfouissement ne sont donc pas pas des pratiques obligatoires au Québec.

 

L’efficacité de la politique et de ses plans d’action est critiquée, puisque la performance du Québec depuis 2015 a régressé pour la quasi-totalité des objectifs fixés dans ceux-ci. En 2021, la quantité de déchets éliminés était de 716 kg par habitant selon le Bilan de la gestion des matières résiduelles de RECYC-QUÉBEC. C’est une augmentation de 3 % par rapport à 2018 (RECYC-QUÉBEC, 2022). De nouveaux projets de réduction de GES dans le domaine sectoriel de la Gestion des déchets pourraient donc représenter des efforts additionnels pertinents.

 

Au Québec, les crédits émis sur le marché volontaire au sein du domaine de La Gestion des déchets sont illustrés à la figure suivante :

Figure 1 : Crédits carbone issus de la Gestion des déchets sur le marché volontaire au Québec (Université de Berkeley, 2023)

 

Un seul projet a émis 8 596 crédits entre 2010 et 2012 au sein du marché volontaire. Ce projet n’est cependant plus actif depuis 2012. (Université de Berkeley, 2023) En effet, comme énoncé précédemment, le captage et la gestion des biogaz par torchage sont considérés comme des pratiques courantes au Québec.

 

Le contexte législatif québécois limite donc les libertés des promoteurs de projets de réduction de GES sur le marché volontaire. Au sein du domaine sectoriel de la Gestion des déchets, les promoteurs de projets sont contraints de proposer des projets en amont de l’enfouissement. C’est le cas de Solutions Will qui intègre à son projet de Communauté Durable des projets de recyclage et de compostage au Québec. Les crédits de ces projets ne sont cependant pas rapportés au sein de la figure 1 car la classification de projets multisectoriels tel que celui de la Communauté Durable québécoise est erronée au sein de la base de données de Berkeley.

Ainsi, le contexte législatif incite les promoteurs de projets québécois à aller plus loin en proposant des projets permettant de détourner les déchets envoyés à l’enfouissement et de limiter les émissions de GES issus des LET. Les crédits qui seront émis au Québec seront donc de qualité supérieure.

 

 

Contexte législatif fédéral américain

 

Ressource Conservation and Recovery Act (États-Unis)

Le Ressource Conservation and Recovery Act (RCRA), représente la base législative de la gestion des déchets à l’échelle fédérale aux États-Unis. Les objectifs de la RCRA sont la protection contre les risques liés à l’élimination des déchets, la préservation de l’énergie et les ressources naturelles par le recyclage et la récupération, la destruction ou l’élimination les déchets et le nettoyage des déchets qui ont pu être déversés de manière inappropriée. C’est l’Environnemental Protection Agency (EPA) qui a l’autorité de contrôler l’application de lois en lien avec la gestion des déchets. Alors que l’EPA établit des lignes directrices générales pour l’élimination des déchets dangereux, chaque état est responsable de la mise en œuvre de ses propres lois et réglementations en respect des obligations fédérales. Les lois varient ainsi selon chaque état qui émet des lois plus ou moins strictes. (EPA, 2024)

La partie 258 du RCRA réunit les critères à suivre pour un site d’enfouissement aux États-Unis. Cette partie réunit les restrictions d’emplacement, les normes de conception et d’exploitation, les règles d’entretien, etc. Concernant la gestion des biogaz, cette loi oblige simplement le contrôle du niveau de la concentration de méthane et la mise en place un plan d’assainissement si la concentration de méthane est trop élevée et présente des risques d’explosion. Aucune mesure au sein de la loi n’oblige les exploitants de sites d’enfouissement à implanter un système de captage, d’élimination et de valorisation du méthane (National Archives, 2024).

 

Clean Air Act et le rôle de l’EPA (États-Unis)

Les émissions atmosphériques des sites d’enfouissement sont réglementées par la loi sur la qualité de l’air appelée Clean Air Act (CAA). Les réglementations existantes en vertu du CAA exigent que les sites d’enfouissement d’une certaine taille installent et exploitent un système de captage et de contrôle des biogaz. Les sites d’enfouissement sont également tenus de communiquer des données dans le cadre du Greenhouse Gas Reporting Program (GHGRP) de l’EPA si la production annuelle de méthane est supérieure ou égale à 25 000 tonnes d’équivalent dioxyde de carbone (MtCO2e). (BioSphere Plastic, n.a.)

En 2016, l’EPA a procédé à une mise à jour de ses normes de performance au sein du CAA afin de réduire les émissions de ses sites d’enfouissement de déchets solides municipaux. L’agence exige que certains sites d’enfouissements américains collectent et contrôlent les gaz des sites d’enfouissement. Ces obligations visent cependant en priorité à réduire les émissions de gaz de décharge en raison des odeurs, des effets possibles sur la santé et des problèmes de sécurité. Les émissions de méthane ne sont donc pas utilisées pour déterminer l’obligation de collecte et de contrôle des gaz. (BioSphere Plastic, n.a.)

L’émission de composés organiques volatil non méthanique (ou COVNM) et la capacité en mètres cubes de déchets sont les critères utilisés comme substitut aux émissions de gaz (comme le méthane) afin de déterminer si un système de collecte est nécessaire. Les sites d’enfouissement concernés par la collecte et le contrôle des biogaz émis sont ceux qui répondent une deux critères suivants :

  • La capacité de déchets du site dépasse 2,5 millions de m3. (Federal Register, 2024)
  • Le taux d’émission annuel de COVNM provoqué par le site est supérieur ou égal à 34 tonnes métriques (Mt). (Federal Register, 2024)

Le deuxième critère a été modifié en 2016 lors de la mise à jour de ses normes de performances du Clean Air Act, passant d’un seuil de 50 Mt à 34 Mt. Une exception est cependant faite aux sites fermés avant le 27 septembre 2017. Ces derniers sont toujours soumis à un seuil de 50 Mt de COVNM par an (EPA, 2017). Une fois collectés, les gaz des sites d’enfouissement doivent être brulés à la torche ou utilisés pour produire de l’énergie. (Federal Register, 2016)

Ces critères imposés par le CAA sont moins coercitifs que ceux du Gouvernent du Québec. En effet, seulement les sites d’enfouissement américains dont la capacité dépasse 2,5 millions de de m3 sont soumis aux obligations du CAA, contre 1,5 millions de m3 au Québec, soit une différence de 60% sur ce critère. Les États-Unis ne considèrent pas non plus les tonnes annuelles enfouies comme un critère pertinent. L’attention fédérale est plutôt portée sur les COVNM, qui contribuent fortement au smog local.

En amont de l’enfouissement, aucune loi fédérale ne donne l’obligation de recycler ou de composter. Cependant, le gouvernement fédéral étudie présentement de nouvelles lois permettant de recueillir des données sur les systèmes de recyclage américains et d’explorer les possibilités de mise en œuvre d’une stratégie nationale de recyclage et de compostage. (US Composting Counsil, n.a.)

Selon les données du Landfill Methane Outreach Program (LMOP), on compte 1239 sites d’enfouissement de déchets solides municipaux munis d’un système de collecte des biogaz parmi les 2637 répertoriés dans leur base de données. Plus de 53% des sites d’enfouissement américains ne sont donc pas munis d’un système de collecte des biogaz dont ils sont responsables de l’émission. (LMOP, 2024)

 

Figure 2 : Crédits carbone issus de la Gestion des déchets sur le marché volontaire sur le marché volontaire aux États-Unis (Université de Berkeley, 2023)

À l’échelle fédérale, le contexte législatif se traduit par le développement de nombreux projets volontaires de captage et de gestion des biogaz issus de l’enfouissement : 170 au total. Ces projets émettent au total 54 916 542 crédits carbone sur le marché volontaire. Cela représente plus de 92% du domaine sectoriel de la Gestion des déchets en termes de crédits émis. La base de données de Berkeley ne répertorie aucun projet de recyclage et seulement 824 165 crédits liés au compostage, soit seulement 1,3% des projets de Gestion des déchets dans l’ensemble des états américains. Les lois fédérales américaines n’encouragent donc pas les promoteurs de projets de réduction de GES à développer des projets permettant le détournement des déchets de l’enfouissement. (Université de Berkeley, 2023)

Les lois fédérales s’appliques à chacun des 50 états américains, cependant ces états ont la liberté d’appliquer leurs propres lois en additions aux obligations fédérales. Afin de comparer le contexte législatif québécois au contexte législatif américain, il est alors nécessaire d’étudier les lois étatiques qui leur sont spécifiques. Prenons l’exemple de deux états américains : l’État de New York et l’Oregon.

 

Contexte législatif au sein de l’État de New York 

Réglementations spécifiques de l’État de New York

Dans l’État de New York, les lois relatives à l’installation d’un système de captage et de gestion des biogaz sont plutôt permissives. En effet, elles incorporent simplement les obligations fédérales du Clean Air Act sans ajouter d’obligations plus strictes. Les sites d’enfouissement dépassant une capacité de déchets de 2,5 millions de m3 et qui ont un taux d’émissions d’émission annuel de COVNM supérieur ou égal à 34 Mt (50 Mt pour les sites fermés avant le 27 septembre 2017) sont donc dans l’obligation d’installer un système d’élimination et de valorisation des biogaz. (DEC, n.a.)

Selon la base de données du LMOP, on compte 86 sites d’enfouissements (ouverts et fermés) au total dans l’État de New York. Parmi ces derniers, 41 sont munis d’un système de captage et de torchage des biogaz, dont 23 sites encore en activité. Plus de la moitié des sites d’enfouissements ne sont donc pas munis d’un système de captage et torchage des biogaz. Sur le marché volontaire, des projets de captage et de gestion du méthane issu de l’enfouissement sont donc toujours actifs dans cet état. (LMOP, 2024)

En amont de l’enfouissement, l’État de New York délègue aux villes la responsabilité d’implanter un programme de recyclage adaptés à leurs besoins. Comme au Québec, l’état applique également le principe de responsabilité élargie des producteurs pour 5 types de produits (équipements électroniques, batteries, thermostats au mercure, etc.). (DEC, 2024) De plus, l’État encourage le recyclage à travers le Returnable Container Act qui exige une consigne pour les contenants de boissons en verre, en métal et en plastique inférieure à un gallon (DEC, 2022).

Enfin, l’État de New York s’efforce de limiter les déchets alimentaires des grandes entreprises et institutions. En effet, la loi du Food Donation and Food Scraps Recycling, passée en 2022, oblige les entreprises et les institutions générant une moyenne annuelle de deux tonnes ou plus de déchets alimentaires par semaine à faire don des aliments comestibles et à valoriser le reste des sous-produits de nourriture (Westchester County, 2023). Bien que cette loi se focalise seulement sur une petite portion de grandes organisations New-Yorkaises, elle pourrait avoir un impact dans les années à venir en démocratisant davantage la pratique du compostage et en développant les infrastructures qui y sont associé. Les plus petites entreprises non-soumises aux obligations de cette dernière loi pourraient ainsi être à l’origine de nouveaux projets de compostage sur le marché volontaire du carbone.

Le nombre de crédits carbone New Yorkais issus du domaine sectoriel de la Gestion des déchets est visible à la figure suivante :

 

Figure 3 :  : Crédits carbone issus de la Gestion des déchets dans l’État de New-York (Université de Berkeley, 2023)

Au sein de l’État de New York, 6 projets de captage et gestion du méthane ont vu le jour entre 2003 et 2018 et ont été collectivement responsables de l’émission de 6 344 558 crédits carbone sur le marché volontaire. Il s’agit d’un nombre considérable de crédits, plaçant l’État de New-York en première place des états américains pour ce type de projet sur le marché volontaire. Cela représente environ 11,6% de l’ensemble des crédits issus des projets de captage et gestion du méthane aux États-Unis. (Université de Berkeley, 2023)

Cette part élevée de crédits émis peut notamment s’expliquer par un contexte législatif permissif. Cependant, malgré ce constat, on voit que la loi en vigueur a tout de même un impact sur les projets de réductions de GES. En effet, en 2016, la mise à jour des critères du Clean Air Act réduisait le plafond d’émission de COVNM de 50 Mt à 34 Mt pour les sites d’enfouissement en activité ou fermés après le 27 septembre 2017. (Federal Register, 2016) Cela s’est traduit par une nette baisse des crédits émis entre 2015 et 2016, passant de 565 142 à 92 352 crédits d’une année à l’autre. Aujourd’hui, 7 projets sur 10 ont un statut « complété » dans cet état, cela veut dire qu’ils ne sont plus éligibles à l’émission de crédits carbone sur le marché volontaire. (Université de Berkeley, 2023) Un lien est donc très probable entre le durcissement de la loi et la baisse du nombre de projets actifs sur le marché volontaire dans l’État de New York.

La loi n’est cependant pas venue à bout de l’ensemble des projets New Yorkais, en effet, les projets de captage et de gestion du méthane ont été responsables de l’émission de 272 163 crédits en 2021 et de 132 668 crédits en 2022.

 

Contexte législatif en Oregon

Initiatives législatives en Oregon

Le contexte législatif de l’Oregon se différencie de celui de New York. En effet, là où ce dernier vient se conformer à des obligations fédérales, l’Oregon fait partie des rares états américains qui prend l’initiative de durcir ses lois étatiques pour aller au-delà des obligations fédérales. L’Oregon souhaite en effet viser les sites de taille moyenne, c’est-à-dire ceux dont la capacité est comprise entre 200 000 et 2,5 millions de tonnes. La loi orégonaise ajoute ainsi un autre critère à la loi fédérale : les émissions de méthane. Elle impose, à partir d’un seuil de 664 tonnes de méthane émis annuellement, d’installer un système de collecte et de gestion des biogaz. La loi adopte également des mesures de surveillance et de contrôle des émissions des sites soumis aux exigences de la loi. (DEQ, 2021)

 

Systèmes de gestion des biogaz en Oregon

Selon la base de données du LMOP, on trouve 24 sites d’enfouissement (ouverts et fermés) en Oregon. Seulement 11 de ces sites sont munis d’un système de capture et de gestion des biogaz, dont 9 toujours en activité. À nouveau, plus de la moitié des sites d’enfouissements ne sont pas munis d’un système de captage et torchage des biogaz dans cet état. Cela permet ainsi aux promoteurs de réaliser des projets de captage et de gestion du méthane dans les sites d’enfouissement qui ne sont pas soumis aux exigences légales. (LMOP,2024)

 

Programmes de recyclage et de compostage

En amont de l’enfouissement, l’Opportunity to Recycle Act impose aux municipalités de plus de      4000 habitants de choisir parmi l’un de 7 programmes de recyclages (recyclage en porte-à-porte, recyclage multifamilial, programme de recyclage commercial obligatoire, etc.) et aux municipalités de plus de 10 000 habitants de choisir l’un de 7 programmes de prévention de gestion des déchets (prévention des déchets résidentiels, prévention des déchets commerciaux, promotion des activités de réutilisation et de réparation, etc.) (DEQ, 2022).

Certaines villes développent également des politiques de compostage. C’est le cas de la Ville de Portland qui rend obligatoire le compostage pour les commerces qui jettent plus de 250 livres de déchets alimentaires par semaine. (City of Portland, 2024) Les obligations en termes de recyclages et de compostage dépendent donc de réglementations locales et non de lois étatiques. Pour l’instant, aucun crédit carbone issu de projets de recyclage et de compostage n’a été émis en Oregon, cependant le développement de programmes de recyclage et de compostage par les villes pourront démocratiser ces pratiques et développer des infrastructures qui à l’avenir encourageront le développement de nouveaux projets sur le marché volontaire du carbone.

Le nombre de crédits carbone des projets localisés en Oregon et issus du domaine sectoriel de la Gestion des déchets est visible à la figure suivante :

Figure 4 : Crédits carbone issus de la Gestion des déchets sur le marché volontaire dans l’État de l’Oregon (Université de Berkeley, 2023)

Au sein de l’Oregon, un unique projet toujours actif a émis au total 140 722 crédits carbone sur le marché volontaire entre 2011 et 2022. Avec une production moyenne de 11 726 crédits par an, il s’agit d’un projet de petite taille. Bien que ce projet génère toujours des crédits carbone à ce jour, le faible nombre de crédits émis au sein cet état s’explique notamment par des lois plus coercitives que la grande majorité des états américains. En effet, les sites d’enfouissement de tailles moyennes en Oregon sont soumis aux obligations de la loi et les projets de capture et de gestion du méthane et ne sont donc pas éligibles à l’émission de crédits carbone sur ce type de site. (Université de Berkeley, 2023)

Bien que l’Oregon soit un modèle à suivre aux États-Unis, il est cependant pertinent de le comparer au Québec. En effet, en termes de nombre de crédits émis, les crédits québécois ne représentent qu’environ seulement 6% des crédits de capture et gestion du méthane émis en Oregon.  Pourtant, le Québec compte près du double de la population de l’Oregon. Ce constat démontre à nouveau que le Québec, qui dispose de lois plus strictes concernant ses LET, a émis considérablement moins de crédits sur le marché volontaire que les états américains qui disposent de lois plus permissives.

 

Conclusion : Impact des Réglementations sur les Crédits Carbone et la Gestion des Déchets

En étudiant les contextes législatifs du Québec, de l’État de New York et de l’Oregon, on peut donc comparer le Québec à un État plus permissif et un État plus sévère du point de vue de leurs lois et règlements. On peut aussi dresser un lien entre les lois des zones géographiques étudiées et leurs émissions respectives de crédits carbone sur le marché volontaire. En effet, les zones aux lois moins coercitives, comme l’État de New York, émettent nettement plus de crédits car la loi ne les limite pas. D’un autre côté, les zones où les lois sont plus coercitives, comme au Québec, sont désavantagés et dans l’obligation d’entreprendre des projets de réduction des GES qui ne sont pas déjà réglementés par la loi. Ces projets en amont de l’enfouissement permettent l’optimisation les systèmes de gestion des déchets en place.

Ces écarts de réglementation permettent de démontrer un manque d’équité et d’uniformité entre les différentes provinces/états et donc une variation de la qualité des crédits carbone émis selon la zone géographique étudiée. En effet, les crédits québécois seront émis à partir de projets qui permettent le détournement des déchets de l’enfouissement. Les crédits américains eux, seront davantage focalisés sur le captage et torchage du méthane une fois que les déchets seront déjà enfouis. La qualité des crédits carbone émis varie donc considérablement d’une zone géographique à l’autre.

La comparaison de l’état de New York et de l’Oregon a permis de révéler l’impact provoqué par des écarts de réglementation. Il est cependant important de se rappeler que la grande majorité des États américains, dont New-York, se contentent d’appliquer les exigences fédérales sans adopter de lois plus coercitives. Ils sont donc pour la plupart munis d’une même base réglementaire sur le plan des systèmes de captage et de gestion des biogaz dans les sites d’enfouissement de déchets solides. Or, en 2016, les critères de performance des sites d’enfouissement de déchets solides ont été endurcis dans le cadre de la mise à jour du Clean Air Act. Afin d’étudier l’impact des lois sur l’émission de crédits carbone aux États-Unis, nous étudierons dans un prochain article l’impact de la mise à jour de 2016 sur le nombre de crédits émis aux États-Unis après son implantation.

Mathis Chanvillard
Auditeur GES
Auteur et rédacteur

Bibliographie