Un film à propos d’une comète géante qui file à toute allure pour s’écraser sur la Terre, mais qui n’attire l’attention de personne? Oui, c’est bien une satire des comportements politiques et sociaux actuels envers la crise climatique.

Les astronomes Kate Diabiaski (Jennifer Lawrence) et Randall Mindy (Leonardo DiCaprio) découvrent qu’une comète géante entrera dans l’orbite terrestre pour venir s’y écraser. La communauté scientifique du film affirme qu’il y a 99,7% de chances que celle-ci frappe la Terre et cause l’extinction de toutes formes de vie. La maison blanche se réjouit d’apprendre que les risques ne sont pas de 100%, ce qui leur permet de s’assoir et d’évaluer la situation (ce qui induit également de la colère et le sentiment d’urgence d’agir chez les astronomes… seulement).

Le consensus scientifique sur la réalité des changements climatiques actuels est de 97%.

Personne n’écoute Kate et Randall. Personne n’écoute les scientifiques. On s’assoie pour évaluer la situation depuis quelques décennies même si nous possédons les leviers d’action pour agir concrètement.

Le principe derrière la situation climatique actuelle et future est assez simple : la concentration en CO2 atmosphérique est trop importante pour maintenir la température moyenne à la surface de la Terre à un niveau sécuritaire pour les écosystèmes naturels et anthropiques. Il faut donc diminuer ces émissions en abandonnant les sources émettrices intensives en carbone [1]. Cependant, cette décarbonation se fait toujours attendre. Le Groupe Intergouvernemental d’Experts sur le Climat (GIEC) sonne l’alarme depuis plus de 30 ans : on doit réduire drastiquement les émissions de carbone qui proviennent de nos activités. Ce concept est sécuritaire, approuvé par la science et la majorité des ressources pour y arriver sont disponibles. Le hic, c’est que nous devons abandonner le statu-quo et revoir nos modes de consommation.

Le destin de l’humanité dans les mains de la technologie

La communauté scientifique du film Don’t Look Up, propose une solution sécuritaire et approuvée par la science pour faire dévier la comète. Cependant, la solution retenue est celle d’un (très riche) PDG d’entreprise; procéder à l’atterrissage de la comète en la faisant exploser en plus petits morceaux pour récolter les métaux rares qui la composent. Cette solution est économiquement profitable, mais elle n’est pas approuvée par la science et elle ne permet pas de plan B. Ça passe ou ça casse. Et ça a cassé.

Certaines solutions climatiques actuelles reposent sur des technologies qui ne sont toujours pas approuvées par la communauté scientifique. Elles sont proposées par des chercheuses et des chercheurs, des ingénieur.e.s, des firmes privées et des programmes universitaires [2]. Ces techniques de géoingénierie modifieraient intentionnellement notre système climatique à grande échelle pour ralentir ou renverser les impacts des changements climatiques [3]. Nous ne pouvons actuellement pas déterminer avec certitude leurs conséquences sur le climat et les écosystèmes puisque leurs développements sont assez épars et que ces technologies nouvelles font intervenir une multitude de systèmes environnementaux [4]. Bien qu’ils présentent des défis de gouvernance et de justice internationale notoire, plusieurs politiques climatiques et documents internationaux reconnus, comme ceux produits par le GIEC (2013), basent certains scénarios climatiques sur l’usage de ces technologies [5]. Cependant, dans le nouveau rapport du GIEC, ces technologies climatiques ne sont plus abordées [6].

Est-ce qu’on peut donc vraiment s’appuyer sur celles-ci pour agir contre la crise climatique? La population fictive de Don’t Look Up a tenté le coup, mais ça n’a pas fonctionné. Pour répondre à la question adéquatement et pour assurer la survie de notre population bien réelle, il faut que les recherches dans le domaine s’accélèrent et se diversifient. Selon l’Académie Nationale de Sciences, ce sont 10 GT de CO2 qui devraient être retirées de l’atmosphère à chaque année jusqu’en 2050 [7] et à l’heure actuelle, aucune technologie ou technique ne permet le retrait de ces quantités. Et même si nous réduisons les émissions de GES au maximum, les concentrations en CO2 atmosphériques resteront très élevées pendant plusieurs décennies, contribuant de façon continue à l’effet de serre.

Plusieurs technologies du domaine de la géoingénierie permettent directement l’absorption du CO2 atmosphérique. D’autres consistent en une modification des quantités du rayonnement solaire qui entre dans l’atmosphère pour diminuer l’effet de serre [8]. Ces innovations diffèrent en ressources et en infrastructures. Les plus développées nécéssite l’installation d’infrastructures coûteuses et énergivores ou l’injection de quantités faramineuses de particules dans l’atmosphère pour réduire la quantité de chaleur des rayons du Soleil qui est absorbé dans notre atmosphère.

Leur point commun, c’est qu’elles ont été étudiées en utilisant principalement des modèles informatiques ou par de petites expériences laboratoire. Plusieurs modèles démontrent une diminution de la température globale et de l’augmentation du niveau des océans. Cependant, certaines études ont démontré que les doses de particules à injecter dans l’atmosphère pourraient endommager la couche d’ozone, altérer les modèles de précipitations globaux et réduire la croissance des cultures dans certaines régions [8]. L’enclenchement des boucles de rétroactions induit par l’implantation de ces technologies reste encore mal compris, surtout parce que les recherches ne prennent pas en considération tous les systèmes qui sont influencés par ces modifications de l’environnement naturel. Les compartiments de notre biosphère sont imbriqués les uns dans les autres : une modification de l’un induit une modification de l’autre. Une fois ces mécanismes enclenchés, c’est très difficile de renverser les processus [2].

Les études à plus grande échelle sont dispendieuses et les divergences d’opinion parmi les scientifiques et les communautés impliquent un blocage de la recherche. Le plus grand capteur de CO2 a été mis sur pied en Islande, retirant 4000 tonnes de CO2 par année pour le stocker dans le sous-sol de la planète [9]. En 2021, l’Agence Internationale de l’Énergie suggère qu’on a émis collectivement 33 milliards de tonnes de CO2 [10]. On ne peut donc pas freiner le réchauffement climatique global par cette seule technologie d’aspiration du CO2 atmosphérique, les échelles n’arrivent pas.

En continuant d’exploiter et d’utiliser massivement les énergies fossiles, on s’inquiète pour le niveau de réchauffement qui en résultera et des événements météo extrêmes qui continueront de se multiplier et de s’intensifier [8]. En sachant que ces technologies pourraient potentiellement sauver des vies et des écosystèmes, la recherche pour mettre en place ce genre de solutions de façon sécuritaire pourrait être bénéfique. Dans cette recherche de solutions, il faut penser aux communautés vulnérables. Actuellement, ces projets sont mis d’avant par des organisations du Nord, alors que les communautés des pays du Sud vivent les impacts les plus puissants des changements climatiques. L’intégration des points de vue des gens qui sont les plus affectés ainsi que leur implication dans la recherche sont primordiales puisqu’ils sont directement concernés par ces projets controversés et leurs impacts potentiels [2].

Dans ce travail d’équipe à l’échelle internationale, toutes et tous en ressortiront gagnant.e.s ou perdant.e.s. Il n’y a pas de solution miracle à cette problématique complexe. Le développement de ces technologies, ne représente pas un passe-droit pour perpétuer le statu-quo et l’usage des énergies fossiles. Il faut accepter que la façon d’arriver à bout de cette crise est d’induire des changements profonds dans nos sociétés. C’est une combinaison de la modification de nos modes d’opérations, de la décarbonisation de nos économies et peut-être de l’intégration de solutions technologiques sécuritaires (en dernier lieu) qui nous garantira un avenir prospère. Chose certaine, à l’heure actuelle, ces technologies ne méritent pas qu’on s’appuie sur elles pour assurer notre sortie vers un climat sécuritaire. Faire fi de la science n’est pas une option.

Commencer à décarboner mon entreprise!

Comme dans le film « Don’t Look Up » nous possédons les ressources et la connaissance scientifique pour limiter les conséquences des changements climatiques. Nous pouvons agir concrètement maintenant.

Alexie Roy-Lafontaine

Alexie Roy-Lafontaine

Rédactrice scientifique pour le web et les réseaux sociaux

Autrice de l’article