La séquestration et la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) sont une combinaison d’actions indispensables qui doivent être réalisées simultanément.

 

En ce début 2020, la pandémie liée à la COVID-19 constitue un évènement mondial qui se résorbera au fur et à mesure de l’avancement des connaissances scientifiques sur ce virus et de la mise au point de médicaments et d’un vaccin[1], mais elle ne modifiera pas la progression inexorable des changements climatiques. Avant la COVID-19, on observait une progression constante des émissions de gaz à effet de serre (GES) et de ses impacts. Ainsi on a attribué aux changements climatiques les incendies de brousse mortels en Australie, le blanchissement des récifs coralliens, l’élévation du niveau de la mer et des tempêtes de plus en plus cataclysmiques[2].

Ainsi, les émissions annuelles mondiales de GES ont augmenté de 41% depuis 1990, et elles continuent d’augmenter[3]. Alors que les émissions de GES avaient légèrement baissé pour l’année 2016, des données récentes suggèrent qu’elles ont augmenté chaque année depuis lors. Il en va de même pour l’année 2019[4].

Un rapport publié en janvier [5] par la Banque des règlements internationaux, à Bâle a fait valoir que les changements climatiques pouvaient provoquer la prochaine crise financière, tout en soulignant que les banquiers centraux manquaient d’outils pour faire face à ce qui pourrait être l’un des plus grands bouleversements économiques de tous les temps. Le rapport souligne aussi que les changements climatiques pourraient être l’enjeu dominant des banques centrales dans la décennie à venir.

Par ailleurs, de Microsoft à JetBlue en passant par Shell, un nombre croissant d’entreprises cherchent à compenser une partie de leurs émissions de gaz à effet de serre en investissant dans la protection des forêts et le reboisement. Ce nouvel enthousiasme des entreprises pour les arbres pourrait créer les ardents défenseurs de programmes tels que l’initiative des Nations Unies pour la réduction des émissions dues à la déforestation et à la dégradation des forêts (REDD +). Cependant, si les entreprises veulent vraiment réduire les émissions en protégeant et en plantant des arbres, l’avenir de la compensation du carbone par la foresterie devra être très différent du passé[6].

À la sortie de Davos, le Forum économique mondial, qui a reconnu en janvier dernier les changements climatiques comme risque majeur[7], a lancé une initiative mondiale pour cultiver, restaurer et conserver mille milliards d’arbres dans le monde – dans le but de restaurer la biodiversité et de lutter contre le changement climatique. Le projet 1t.org vise à unir les gouvernements, les organisations non gouvernementales, les entreprises et les individus dans une «restauration de la nature à grande échelle»[8]. Klaus Schwab, fondateur et président exécutif du Forum économique mondial, a déclaré: « La prochaine décennie doit voir des niveaux de collaboration sans précédent si nous voulons atteindre le climat mondial, la biodiversité et les objectifs de développement durable. 1t.org présente un exemple important de la façon dont les parties prenantes de tous les horizons et de tous les âges peuvent travailler ensemble pour atteindre un seul objectif d’importance mondiale. »[9]

Selon la publication de mars 2020 de l’organisme  international Ecosystem MarketPlace [10] l’accent mis par les médias sur la plantation d’arbres explique la préférence actuelle des acheteurs pour les projets de boisement / reboisement par rapport aux autres types de projets de forêt et d’utilisation des terres. Cette augmentation est due à une prise de conscience croissante des «solutions basées sur la nature» pour la résilience au climat, qui a entraîné une augmentation de 264%, depuis 2015 du volume de compensations générées par les activités de foresterie et d’utilisation des terres et a fait du Reducing Emissions from Deforestation and Forest Degradation ( REDD +) le type de compensation le plus populaire pour la première fois depuis 2015.

La séquestration des émissions de GES est essentielle, mais elle a aussi ses limites.

Bien qu’il soit important de souligner ce bel enthousiasme mondial, à l’aube de la décade 2020, pour des «natural climate solutions», et «nature based solutions» il faut y voir également leurs limites[11].  Au-delà des catastrophes médiatisées, il y a, selon le World Resources Institute (WRI) un constat inquiétant d’augmentation de la  déforestation à l’échelle mondiale[12]. Il est fort noble de planter des arbres et d’aménager les forêts de la planète  et de contribuer ainsi à rétablir le cycle du carbone par la plantation d’arbres. Mais pour réellement avoir un impact positif sur la cible de zéro émission en 2050, il faudrait planter plus d’arbres que l’on en a coupés depuis 2014 pour au moins rétablir, maintenir et augmenter la couverture de la canopée. Il est illusoire de présenter la séquestration comme étant l’unique solution à tous les maux climatiques. Il faut agir sur deux tableaux : réduire les émissions à la source, qui ont augmenté depuis 1990[13] tout en augmentant la séquestration des émissions de CO2 qui sont inévitablement émises. Malheureusement il n’y a pas de raccourcis.

 

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Notre prochaine chronique portera, en juillet 2020, sur les impacts de la crise du COVID-19 sur les mesures de réduction de GES ciblées concernant le climat.

La crise du COVID-19 a naturellement poussé l’action climatique au second plan alors que la crise de santé publique se déroule à l’échelle mondiale et que les craintes d’une récession économique à long terme se font jour. Cependant, la façon dont les décideurs, les entreprises et les particuliers réagissent aux urgences de santé publique d’aujourd’hui et les succès et les échecs qui en résultent, peuvent fournir des enseignements pertinents afin de répondre à d’autres catastrophes multiformes, applicables aux événements météorologiques extrêmes et aux catastrophes naturelles.

La crise sanitaire du COVID-19 a eu un impact rapide, mesuré et significatif sur la réduction des émissions de GES des 100 derniers jours, soit depuis la déclaration du 23 janvier 2020 par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) sur la pandémie[1]. Ainsi depuis ce moment, il y a eu une réduction des émissions de GES de l’ordre de 8% selon l’Agence International de l’Énergie (AIE)[2].

Y a-t-il un espoir de changer les choses autrement que par un confinement décrété par les autorités sanitaires de la planète? La réponse est certainement que oui ! Mais la lutte contre les changements climatiques nécessite non seulement une innovation et un déploiement technologique radical, mais des changements radicaux dans les choix et l’application de politiques publiques ainsi que par une action collective systémique incarnant des changements comportementaux significatifs, bref il s’agit de modifier radicalement la Demande[3], individu par individu, tout un défi avec plus de 7,7 milliards d’habitants!