Par: Alexie Roy-Lafontaine
La mission première des entreprises et des commerces est de répondre à des besoins, anticipés ou réels, de différents types de clientèles. Ce faisant, ces compagnies commerciales fonctionnent selon un « plan d’affaires » qui prévoit des profits pour les entrepreneurs ou pour celles et ceux qui en sont actionnaires.
Par ailleurs, dans les pays de l’organisation de coopération et de développement économique (OCDE), il y a aujourd’hui un large consensus selon lequel nul ne peut ignorer l’impact économique, social et environnemental de ses activités commerciales sous peine d’être perçu comme un mauvais citoyen corporatif. Encore plus à l’ère des réseaux sociaux et de leur moralité.
C’est pourquoi le clivage traditionnel entre profits et impact social tend à s’amenuiser, sinon disparaître.
S’il est toujours vrai que pour générer des profits les entreprises doivent satisfaire les attentes des consommateurs, elles doivent aussi offrir des conditions de travail intéressantes à ses employé(e)s et s’insérer dans ce qu’on appelle largement le bien-être des populations. C’est ce qu’on appelle la responsabilité sociale de l’entreprise [1].
Ce concept du rôle social des entreprises n’a pas toujours été. Au départ, certaines élaborent leurs modèles d’affaires selon une approche privilégiant les communautés plutôt que les profits par des valeurs fondamentales d’honnêteté, d’authenticité et valorisant la qualité. Néanmoins, l’engrenage de la prospérité financière ne tarde pas à s’enclencher, confondant communautés et profits. Le désir d’expansion devient central et les entreprises empruntent des raccourcis, implantent l’obsolescence programmée, la sous-traitance et la production de masse. Puis, lorsque ces failles font surface, elles doivent exposer leurs mensonges, re-centraliser leurs valeurs et perdent la confiance de leurs consommateurs et de leurs employés. Tout est à recommencer. Plusieurs études démontrent que les compagnies mettant les sociétés au centre de leurs valeurs ont plus de succès, mais briser cette roue demande de prendre des risques et d’innover [6].
Ainsi, afin d’arriver à leurs moyens, les entreprises doivent honorer leur rôle social, mais à quel point? C’est ici que le concept de Responsabilité sociale d’entreprise (RSE) devient pertinent. Selon la Banque des Entrepreneurs du Canada, elle correspond à « l’engagement que prend une entreprise en vertu duquel elle gérera les effets sociaux, environnementaux et économiques de ses activités de façon responsable et conforme aux attentes du public ».
En d’autres mots, la RSE se traduit par les moyens que prennent certaines entreprises pour assumer la responsabilité de leurs actes et de leur incidence sur leurs employé(e)s, sur les parties prenantes et sur les collectivités qu’elles servent. Le concept ancre ses racines sur le principe du développement durable. En liant les sphères du bien-être des sociétés, de la conservation de l’environnement ainsi que du développement économique, la RSE assure une évolution éthique, juste, viable et écoresponsable aux compagnies impliquées [2].
Le squelette de la RSE
Notons qu’aucun règlement, politique et/ou loi n’obligent les entreprises à adhérer aux principes de RSE : elles y adhèrent selon une base volontaire. Le concept repose totalement sur le degré d’engagement de l’entreprise qui l’incorpore à son modèle d’affaires. C’est donc que celles qui y participent mettent en place des pratiques qui vont au-delà du cadre légal qui leur est imposé. Certaines vont jusqu’à s’ouvrir à de nouveaux modèles économiques [4]. Les principes de la circularité se retrouvent ainsi en premier plan en privilégiant la location de biens plutôt que leur vente par exemple [5]. L’entièreté des membres des compagnies sont des musiciens dans le concert de la RSE : tous doivent être responsables et impliqués dans son plan d’action. De l’écoconception des biens aux contributions volontaires à des œuvres de charité, les actions s’inscrivant dans les lignes directrices du développement durable sont considérées comme des démarches de RSE [2].
Bien que le concept puisse sembler abstrait, divers programmes de RSE sont mis sur pied afin de guider les entreprises dans leurs démarches (Norme internationale ISO 2600, certification B Corp, etc.). Il n’y a pas de barème officiel ou de meilleures façons que d’autres d’en appliquer les principes : les démarches sont subjectives à chacun. Les certifications peuvent cependant servir de guide d’application pour les entreprises et de repère pour les consommateurs. Les compagnies certifiées cherchent à créer de la valeur pour la société et à respecter des normes en matière de transparence et de responsabilité environnementale et ainsi, d’œuvrer dans la poursuite du bien commun [2].
L’objectif est de contribuer au progrès social et d’assurer la pérennité des ressources pour les générations futures. Quoique les pratiques de RSE peuvent représenter des coûts économiques élevés en équipements et en main d’œuvre, à long terme ils permettent des économies. Par exemple, l’utilisation d’énergie propre demande des installations spécialisées, mais permettent d’économiser dans le secteur énergétique et d’optimiser les chaînes d’approvisionnement [3]. Les coûts des emballages recyclables et composables sont plus élevés que ceux jetables, mais ils permettent d’éviter le gaspillage de ressources et de diminuer la quantité de matières résiduelles par exemple [8].
Également, la nouvelle génération d’employé(e)s aspire à travailler avec des compagnies aux valeurs sociétales et environnementales tout autant développées que les leurs. Des employé(e)s interpellé(e)s par les valeurs des entreprises pour lesquelles elles travaillent tendent à rester dans l’entreprise, diminuant ainsi les coûts reliées à leur roulement [2].
Cela étant dit, les habitudes de consommation des communautés sont en pleine évolution. Les gens ont un réel désir à encourager les compagnies incorporant des pratiques écoresponsables à leurs procédés et qui redonnent à leurs employés et à leur communauté. En appliquant des pratiques responsables, les entreprises arrivent à démontrer leurs engagements envers le progrès social [4].
Impacts des industries et des entreprises
Toutes les activités d’une organisation dépendent de l’état des écosystèmes de la planète [7]. Puis, pour produire leurs biens et leurs services, les entreprises peuvent avoir des impacts négatifs sur la planète : destruction de la biodiversité via la déforestation, pollution des sols, de l’eau et de l’air. Au Québec, le secteur industriel est le plus grand émetteur de GES [9]. Ces impacts néfastes sur l’environnement en entraînent également à des niveaux sociaux et économiques. Ainsi, les entreprises peuvent ressentir un certain devoir à se responsabiliser et à implanter des procédés plus durables dans leurs modèles d’affaires [4].
Au niveau social, la pollution engendrée par les activités industrielles peut être responsable de la dégradation de la santé humaine. Problèmes respiratoires liés aux émanations de particules fines et contamination de l’eau par le déversement de déchets toxiques dans les rivières en sont des exemples. Également, la santé des collaborateurs peut être compromise si les compagnies ne fournissent pas les équipements sécuritaires pour effectuer leur travail.
Au niveau économique, les industries peuvent induire de la corruption et contribuer à la dégradation des services publics en optant pour des techniques d’optimisation fiscales agressives ou en pratiquant l’évasion fiscale. Elles privent ainsi les gouvernements de ressources financières, ce qui peut tendre à une augmentation des impôts et/ou à une réduction des services publics [4].
À l’inverse, en favorisant la diversité de leur personnel, l’emploi local ainsi que l’insertion de personnes éloignées ou en situation d’handicap, elles contribuent au progrès social. Également, en choisissant la transparence financière et en répartissant de façon juste les bénéfices entre les actionnaires, les collaborateurs et les communautés affectées par leurs activités, elles réduisent les potentiels impacts économiques néfastes [4].
Il reste que l’investissement dans les technologies propres, dans le recyclage et le compostage ainsi que l’incorporation de la santé physique et mentale humaine au centre des valeurs de ces entreprises est la clé pour évoluer dans un modèle d’affaire en concordance avec les principes de RSE. La mitigation de leurs impacts négatifs est nécessaire afin de limiter les conséquences sur les sociétés présentes et futures [10].
En pratiquant la RSE, les entreprises sont mieux outillées pour répondre aux enjeux climatiques, d’approvisionnement et de demande de transparence auxquels elles sont confrontées. Les parties prenantes sont d’autant plus soucieuses du comportement des entreprises avec lesquelles elles font affaire [10]. Ainsi, si elles ne prennent pas en compte les impacts environnementaux et sociétaux de leurs activités, c’est leur pérennité qui est menacée. La démarche de RSE est récompensée par une meilleure performance globale en esquivant les défis reliés à l’approvisionnement en matières premières qui se raréfient et elle permet de se différencier davantage de la concurrence en attirant et en fidélisant ses collaborateurs [4].
Actuellement, la RSE est bien plus qu’une simple technique de marketing : elle est le fil conducteur de compagnies de diverses tailles. À l’échelle globale, la compagnie Johnson & Johnson mets des efforts dans la réduction de ses impacts environnementaux en investissant dans des technologies énergétiques écoresponsables. La compagnie travaille également à offrir de l’eau potable à des communautés dans le besoin [11]. Au Québec, Hydro Québec œuvre dans le développement durable selon une approche multisectorielle : production, transport, service à la clientèle, construction, innovations technologiques sont des branches du plan de leur développement durable [12].
Les valeurs altruistes mènent à de bonnes affaires. Les principes de RSE sont bénéfiques aux populations externes et internes aux entreprises. Il s’agit de valoriser l’honnêteté plutôt que le mensonge, le partage plutôt que l’accaparement et les gens plutôt que les profits.