La pandémie du Covid-19 a été une opportunité pour de nombreuses compagnies de repenser leur modèle de travail. Le travail à distance, notamment, s’est imposé à travers ses avantages présumés pour les salariés et l’environnement. Il est ainsi communément admis que le télétravail bénéficie au climat à travers une réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES). Pourtant, un examen approfondi prenant en compte les effets complexes de ce phénomène laisse entrevoir un constat plus nuancé.

Quels sont les bénéfices réels du télétravail pour l’environnement?

Si des réductions d’émissions de GES dues à la diminution des déplacements domicile-travail sont avérées, celles-ci peuvent être inférieures à l’augmentation des émissions liées au chauffage ou à la climatisation du logement des employés. Cela dépend de la distance moyenne entre le foyer et le lieu de travail autant que du type d’énergie utilisé pour le chauffage. De même, l’usage d’énergie au bureau n’est pas nécessairement limité par le télétravail. C’est le cas des entreprises dotées de systèmes de chauffage et de ventilation centraux, qui fonctionnent à plein régime quel que soit le taux d’occupation des locaux.

De plus, de complexes effets secondaires atténuent aussi les bénéfices du télétravail. Un certain nombre d’employés travaillant à distance font ainsi le choix de déménager en dehors des centres urbains. L’immobilier plus abordable en périphérie leur permet d’acquérir des maisons plus spacieuses, ce qui augmente la charge de chauffage et climatisation. Les distances plus grandes et l’offre en transports en commun restreinte de ces zones accroissent par ailleurs les déplacements en voiture, notamment pour les courses ou les activités parascolaires des enfants. Cela neutralise une partie des bénéfices du télétravail. L’augmentation de l’usage des services numériques a également un impact en termes de GES.

D’un autre côté, le travail à distance libère les routes et fluidifie le trafic, ce qui réduit les émissions de GES liées au transport des personnes dont le poste n’y est pas adapté. L’éloignement des centres urbains d’une partie des télétravailleurs permet aussi aux « cols bleus » de se rapprocher de leur lieu de travail en faisant baisser les prix de l’immobilier.

Il n’y a donc pas de réponse générale totalement tranchée sur la question des bénéfices pour le climat du télétravail. Cependant, au Québec, le mix énergétique est basé presque intégralement sur les énergies renouvelables tandis que plus de 40% des émissions nationales de GES proviennent du secteur des transports. Cette situation spécifique permet de spéculer sur l’avantage du télétravail, les hausses en termes de chauffage ayant un impact environnemental limité du fait de la très faible empreinte carbone de l’électricité.

 

Le télétravail et la justice sociale

Le télétravail soulève également des questions d’ordre social. Un employé qui travaille à la maison verra en effet sa facture énergétique augmenter, parfois de plusieurs centaines de dollars par année. Il ou elle aura aussi à sa charge l’abonnement à Internet. Cette hausse peut être plus importante que la réduction du coût du transport.

En Californie, il est obligatoire pour l’employeur de prendre en charge une partie de l’augmentation du coût du chauffage et de l’abonnement à Internet pour les employés en télétravail. Le Québec devrait-il s’inspirer de cet État et adopter une législation similaire ? Le transfert unilatéral des charges de chauffage sur les salariés pose en effet la question de la justice sociale.

En outre, certaines compagnies ont instauré une politique de soutien financier à celles et ceux qui décident de mettre en place des mesures d’efficacité énergétique dans leur logement. Si cela n’est pas à la portée de toutes les entreprises, c’est tout de même un exemple inspirant pour les sociétés québécoises.

 

Pour conclure, il est important de mettre en place un suivi de l’impact du télétravail sur les plans environnemental et social. Dans ce sens, certaines entreprises ont fait le choix d’inclure dans leur bilan carbone les émissions de chauffage et climatisation des employés travaillant à domicile. Des données plus précises permettront ainsi d’alimenter un débat de société plus éclairé sur ce sujet.

 

 

Texte écrit par:

Claire Druet, Auditrice GES chez WILL