Lors de la COP26, qui s’est terminée début novembre, plus de 100 dirigeantes et dirigeants politiques se sont entendus sur l’enrayement de la déforestation d’ici 2030. Le Canada, la Russie, la Chine, l’Indonésie, la République démocratique du Congo, les États-Unis, le Royaume-Uni ainsi que le Brésil, où d’importantes zones de la forêt amazonienne ont été déforestées, sont signataires de cette entente. Celle-ci rassemble presque 19,2 milliards de dollars de fonds publics et privés et concerne 85% des forêts mondiales [1]. Plusieurs sont situées autour de l’équateur où la déforestation est causée par les modes de tenure de terres agricoles, moyen de subsistance important pour les pays concernés [2].

Selon Climate Action Tracker, le Canada a raté ses cibles climatiques en 2020 et aurait encore de la difficulté à implanter ses politiques climatiques, scénario qui se répète chez d’autres pays [3]. On pourrait donc être porté à croire que cette entente, comme plusieurs autres adoptées lors de la COP26, pourra difficilement trouver son équilibre.

Depuis la ratification de l’Accord de Paris en 2015, tous les pays signataires produisent des contributions déterminées au niveau national. Ces documents représentent les « plans de match » des pays pour atteindre les cibles établies par l’accord, soit l’augmentation maximale de la température de 1,5 degrés Celsius et l’atteinte de la carboneutralité d’ici 2050 entres autres. Puis, ils sont révisés à chaque 5 ans afin de présenter des objectifs toujours plus élevés, question de se donner la chance d’atteindre les cibles fixées [4].

La situation géographique, sociale, politique, économique et environnementale des pays n’importe pas; tous doivent fournir des efforts substantiels adaptés à leurs capacités. Évidemment, les situations hétérogènes des pays induisent des dissemblances dans leurs moyens disponibles pour mettre en marche les politiques climatiques. Certains ont des besoins à combler, qui peuvent autrement mettre la qualité de vie actuelle de leurs populations en péril [5]. Ils doivent assurer la sécurité alimentaire, améliorer les systèmes de santé précaires, fournir l’accès à l’éducation et autres, diminuant leur capacité à intervenir dans la crise climatique.

 

Finance climatique, crédibilité ébranlée

En 2009, les pays industrialisés ont signé un important traité de « finance climatique » : 100 milliards de dollars par année à partir de 2020 doivent être acheminés vers les pays du sud pour les aider à développer des solutions de mitigation et d’adaptation aux changements climatiques [6]. La coopération internationale est une pierre angulaire dans les trajectoires que prendront les changements climatiques et leurs impacts. Les frontières doivent s’effacer et l’entraide doit régner.

Il est bien ancré que les nations du Sud sont les moins responsables des changements climatiques, mais qu’elles subissent de plein fouet leurs impacts. Ces pays doivent réduire toutes les émissions qu’elles peuvent afin d’atteindre les objectifs climatiques établies par leurs contributions déterminées au niveau national. L’augmentation de la séquestration de carbone par les forêts dans ces pays est importante surtout à cause de leur position géographique, mais ça n’en fait pas un droit de polluer pour les pays émetteurs importants. Cette séquestration doit être faite de concert avec la réduction des émissions de gaz à effet de serre et avec la décarbonisation des économies à l’échelle globale. Les pays du Sud n’ont pas à mettre les bouchées doubles pour réduire leurs émissions tout en compensant les émissions des autres pays par les forêts pour atteindre leurs objectifs climatiques nationaux ainsi que les objectifs globaux [7].

Une étude parue dans la revue Nature en septembre 2021 confirme que la promesse du financement climatique pour 2021 est n’est pas accomplie : les pays signataires de l’accord de 2009 sur la finance climatique n’ont pas réussi à acheminer les fonds promis. Comme l’Accord de Paris, cette entente en est une collective, qui dépend des actions de chaque pays. C’est en fournissant des contributions maximales que les pays pourront fournir un financement climatique juste afin de minimiser les impacts qui concernent toutes les habitantes et tous les habitants de la planète [8].

Le hic : la majorité des pays signataires de cet accord ne contribue pas de façon juste à la récolte des fonds. Les États-Unis, l’Australie et le Canada, trois économies importantes, ont donné moins de la moitié de leur part en 2018. La contribution exigée de chaque pays est déterminée selon leur taille et selon leurs taux d’émissions de gaz à effet de serre [9]. La finance climatique internationale n’a qu’augmenté de 2% entre 2018 et 2019, totalisant un montant de 79,6 milliards de dollars en 2019 [9]. Les chiffres pour 2021 n’ont pas été dévoilés, mais selon la tendance, tout porte à croire que le montant ciblé ne sera pas comblé [10].

Ces accords internationaux sont à la base des politiques et de l’action climatique des gouvernements. Peut-on compter sur ces accords non-coercitifs dans la lutte aux changements climatiques? La coopération internationale peut faire de grandes choses. La communauté scientifique globale s’est soulevée pour la production rapide un vaccin efficace contre le virus de la COVID-19 en favorisant le partage des savoirs et des découvertes. À la croisée des chemins entre cette crise sanitaire, environnementale et sociale, on ne peut qu’espérer le même scénario pour la crise climatique. Cependant, selon les tendances observées durant les dernières années, le soulèvement des populations et les actions individuelles volontaires sont nécessaires afin de catalyser les actions concrètes et drastiques chez les organisations dirigeantes. La victoire de cette crise repose sur des modifications profondes de nos sociétés et de nos habitudes de consommation.

 

À qui la faute? Qui doit payer?

Les distinctions entre pays du nord et pays du sud ainsi qu’entre les pays développées, émergents, en développement et en sous-développement peuvent créer des dichotomies [11] et diviser les nations qui se renvoient la balle de la responsabilité des changements climatiques [12]. Actuellement, les pays émetteurs les plus importants sont la Chine, les États-Unis et les pays de l’Union Européenne [13].

Cependant, si l’on regarde les émissions historiques, donc le cumulatif des émissions de gaz à effet de serre (GES) à partir de la révolution industrielle (1800) jusqu’à aujourd’hui, les plus grands pays émetteurs de GES sont les États-Unis, l’Union Européenne, la fédération de Russie, le Japon et le Canada.  À eux seuls, ils ont émis plus du 2/3 du carbone atmosphérique[14]. Puis, une étude de 2017 conduite par l’organisme Carbon Disclosure Project démontre que 70% des émissions de GES depuis 1988 sont issues de 100 compagnies productrices d’énergies fossiles [15].

À qui revient la faute et à qui revient le devoir d’investir? C’est un débat important qui contribue à la stagnation actuelle de l’action climatique. On assiste à un tournoi de tennis dont l’enjeu ultime est notre futur commun. La communauté internationale reconnait l’urgence que représente les changements climatiques, comprend leurs causes et comprend ce qui doit être fait [8]. La signature de ces accords démontre qu’il y a un consensus d’action. Mais que ce passe-t-il post signature? Les actions qui s’en suivent doivent être garantes de l’atteinte des cibles. On doit pouvoir sortir les gens de la pauvreté tout en mitigeant les conséquences climatiques et sociales [15]. Ce défi de taille nécessite plus d’ambition qu’un simple acte de présence aux conférences climatiques comme celle de la COP26. Les bottines doivent suivre les babines !

Alexie Roy-Lafontaine

Alexie Roy-Lafontaine

Rédactrice scientifique pour le web et les réseaux sociaux

Autrice de l’article