Plus de 95 % de l’électricité consommée et produite au Québec est issue de l’hydroélectricité, source d’énergie carbo-neutre [2]. Cependant, les secteurs des industries et des transports sont majoritairement alimentés par les énergies fossiles. En effet, le secteur des transports consomme à lui seul 82% des produits pétroliers [3]. En 2016, 70% des émissions de gaz à effet de serre du Québec sont liés à l’utilisation de l’énergie [1]. Les piliers des systèmes économiques et énergétiques à l’échelle mondiale sont les combustibles fossiles. Ces structures organisationnelles des sociétés se présentent comme un défi de taille quant à la décarbonisation globale des économies.

La ratification de l’Accord de Paris en 2015* oblige les pays à renforcer leurs efforts mis dans la lutte aux changements climatiques. Ils ont jusqu’en 2050 pour atteindre les objectifs préétablis lors de la signature de l’accord. La mitigation de l’augmentation de la température de 2°C en est un objectif clé [4]. Les experts du climat avancent qu’un réchauffement au-delà de ce seuil pourrait induire des changements imprévisibles et irréversibles. Tous s’entendent pour dire que quelle que soit l’intensité du réchauffement à ne pas dépasser, le niveau des émissions anthropiques doit être nul à long terme. Seul le délai pour y parvenir détermine la portée de la hausse de la température [5].

Qui plus est, les perturbations météorologiques extrêmes, la multiplication des inondations et des périodes d’intenses sécheresses, la destruction des infrastructures causée par le dégel du pergélisol, l’érosion des zones côtières et les feux de forêts coûtent déjà une fortune à chaque année en ressources humaines et financières [3]. Selon l’Organisation des Nations Unies, l’écart qui persiste entre les objectifs fixés par l’Accord de Paris et les réductions des émissions de GES pour contenir le réchauffement planétaire est catastrophique [3] : les 5 dernières années ont été les plus chaudes jamais enregistrées [6].

Malgré tout, une réelle transition voit tranquillement le jour à l’échelle globale. La restructuration des sociétés ne s’effectue pas du jour au lendemain. Néanmoins, les pays reconnaissent l’importance de rompre leur dépendance aux énergies fossiles et émettent des politiques ainsi que des plans d’actions qui introduisent une décarbonisation de leur économie échelonnée sur plusieurs années, voire plusieurs décennies [6]. Évidemment que nous sommes loin de dire adieu aux combustibles fossiles, mais les innovations dans le secteur des énergies renouvelables vont bon train. Les objectifs sont établis, il ne reste plus qu’à mettre la théorie en pratique.

La transition énergétique, bris mécanique

Selon le Forum Économique Mondial, une transition énergétique efficace est un passage vers un « un système énergétique plus inclusif, durable et sécuritaire qui fournit des solutions aux enjeux liés au domaine énergétique en créant de la valeur pour les entreprises et pour les sociétés ».

L’abandon progressif de l’énergie produite à partir de combustibles fossiles pour l’inclusion de diverses formes d’énergies renouvelables aura une incidence notoire sur la situation des émissions de gaz à effet de serre [6]. Au cours de la transition, des changements dans les comportements des citoyens sont également attendus. Malgré les mobilisations sociales plus nombreuses en faveur de la transition énergétique, il est crucial que l’émergence d’une culture d’efficacité et d’anti-gaspillage énergétique s’amorce pour atteindre les objectifs fixés. Il s’agit donc d’investir dans les technologies d’énergies propres comme le solaire, l’éolien et l’hydraulique pour qu’elles soient efficaces et optimisées. Ces investissements créeraient assurément un bon lot d’emplois, en plus d’assurer la carbo-neutralité de l’économie globale [3].

Cependant, le portait actuel de la transition énergétique ne correspond pas tellement à la définition théorique. En pratique, les engagements et les politiques établis par les pays pourraient mener à un réchauffement global de plus de 3°C en 2100 [6], bien au-delà du seuil visé par l’accord de Paris. De plus, les pays exportateurs de pétrole ont vu leurs émissions stagner ou même augmenter dans les 5 dernières années et plus de la moitié des émissions globales de méthane de l’année dernière provenaient de l’Amérique du Nord. C’est ici que se situe une sorte de bris mécanique : des politiques trop molles et permissives qui stoppent les avancements, souvent pour des raisons économiques [6].

Plus positivement, les émissions globales de CO2 reliées au secteur de l’énergie ont atteint un plateau en 2019 à la suite de deux ans de hausse constante. Également, le secteur de génération d’électricité est maître de la mitigation des émissions : la capacité des énergies renouvelables ainsi que leur utilisation ont afflué à l’échelle mondiale. Le gaz naturel a ainsi détrôné le charbon comme ressource principale de la production d’électricité [6].

Au Québec, afin de remettre le train de la transition énergétique sur les rails, le Plan directeur en transition, innovation et efficacité énergétiques du Québec 2018-2023 est un guide vers une gestion énergétique efficace et sobre en carbone. Pour ce faire, le gouvernement planifie la rupture de la dépendance au pétrole dans les secteurs du transport et de la mobilité durable d’ici 2050. Cette première étape du plan consiste à analyser et à comparer les performances des diverses filières énergétiques selon une approche de cycle de vie pour ensuite orienter les étapes à venir de la transition énergétique. Également, le concept d’efficacité énergétique est le mot d’ordre du gouvernement québécois : l’énergie la plus propre est celle qui n’est pas produite.

L’efficacité énergétique se traduit par une utilisation judicieuse et rationnelle de l’énergie. Elle se divise en 3 volets. Le premier favorise l’économie d’énergie qui résulte de l’adoption de comportements et de l’utilisation d’équipements qui permettent une utilisation d’énergie inférieure qu’à l’habitude pour répondre à un même besoin. Le deuxième est la gestion de la consommation, qui est totalement prise en charge par les utilisateurs. Il peut être avantageux de répartir sa consommation dans le temps afin de ne pas dépasser un certain seuil par exemple. Le troisième est l’utilisation judicieuse de l’énergie qui prend en compte la source d’énergie la plus appropriée pour satisfaire un besoin donné [11]. Ce concept d’efficacité énergétique permet de diminuer le gaspillage et l’utilisation d’énergie, tout en induisant des économies financières pour les utilisateurs.

Actuellement, on assiste aux premiers balbutiements de cette transition vers un système énergétique propre. Il reste un peu moins de 20 ans aux pays ayant ratifiés l’Accord de Paris pour atteindre les cibles. Si on regarde les résultats décevants des 5 dernières années, à ce rythme, peut-on réparer le présent bris mécanique du train de la transition tout en accélérant sa vitesse de croisière?

Renouvelable, synonyme de durable?

Les secteurs de développement des technologies et de l’optimisation des énergies renouvelables vont bon train. En 2017, les coûts des énergies éolienne et solaire ont rejoint ceux du charbon pour la production de l’électricité [3]. À la deuxième moitié du siècle, les chercheurs prévoient une transformation drastique du secteur énergétique. Il sera totalement indépendant des énergies fossiles en atteignant le statut zéro carbone [12].

L’utilisation des ressources renouvelables permet de ralentir l’épuisement de celles non-renouvelables et de diminuer les émissions de gaz à effet de serre anthropique pour ainsi freiner les changements climatiques. Avantages absolument pertinents et nécessaires pour ne pas pénaliser les générations futures à des niveaux énergétiques et climatiques.

Nonobstant ces avantages, l’utilisation des ressources renouvelables se présente également comme un casse-tête.  Est-ce que le secteur énergétique peut reposer totalement sur les énergies renouvelables?

L’énergie hydraulique par exemple provient de centrales hydroélectriques à réservoir, résultat du climat et de la géographie des régions. Cette forme d’énergie est fiable, stockable et sa conversion en électricité est facile.

Les nouvelles énergies renouvelables solaire et éoliennes ne se stockent pas aussi facilement, leur rendement économique n’est pas aussi bon et elles sont moins fiables. La vitesse du vent ne varie pas selon la demande énergétique et l’énergie solaire dépend de l’ensoleillement. De plus, de grands espaces sont nécessaires à la construction de quantités suffisantes de panneaux solaires et d’éoliennes. Ces infrastructures de taille peuvent affecter négativement les écosystèmes qui rendent des services écologiques nécessaires comme la régulation de la qualité de l’air et de l’eau par exemple [7].

Les mots « durables » et « renouvelables » sont souvent associés à tort. Renouvelable signifie que la ressource se reconstitue par des processus naturels ad vitam aeternam. Cependant, si l’utilisation de la ressource dépasse son taux de renouvellement, son utilisation n’est plus durable. La ressource vient à être épuisée [8].

Ainsi, il ne faut pas mettre tous nos œufs dans le même panier. Un mix énergétique diversifié avec leur stockage dans des batteries et l’interconnexion entre les régions peut réduire, même éliminer des problématiques associées aux énergies renouvelables [7].

La transition vers un système énergétique décarbonisé implique plusieurs défis. Changements d’habitudes, ajustements industriels et économiques et interconnexion des procédés énergétiques n’en sont que quelques-uns. Seulement, ces défis sont plus simples à surmonter que ceux induits par la surextraction actuelle des énergies fossiles non-renouvelables. Leur finitude implique que le modèle actuel n’est pas durable et leur surconsommation entraîne des changements climatiques possiblement irréversibles. La diminution des importations de pétrole et de gaz induirait une augmentation des emplois dans ce secteur [9], augmentant le développement économique des pays et actionnant la boucle de l’économie circulaire qui compte son lot d’avantages sociaux, financiers et environnementaux [10]. Les innovations et les alliances des différents secteurs sont fonction du moule vers un futur durable et sécuritaire pour les écosystèmes humains et naturels.

 

* Traité international pour la mitigation de l’augmentation de la température globale sous un seuil de 2°C par rapport à la température à l’ère préindustrielle.